Au printemps de l’année 1206, François Bernardone, fils d’un riche drapier d’Assise, qui vit dans le désordre et l’insouciance sort d’une période complexe de transformation intérieure progressive qui fait suite à une campagne militaire calamiteuse qui oppose Assise et Pérouse et où il est fait prisonnier. Sorti de prison il est conduit à découvrir le goût de la sobriété, de la prière et, non sans sa répugnance initiale, le service des pauvres et des lépreux de sa région. Au cours de ce même printemps, le hasard dirige ses pas solitaires, à travers les champs d’oliviers de la campagne d’Ombrie, vers une petite église délabrée, Saint-Damien. François entre en prière, agenouillé devant un crucifix byzantin, il entend, stupéfait, le Christ l’appeler par son nom et prononcer par trois fois ces mots : « François, va et répare ma maison qui tombe en ruines. » Et François découvre sa vocation à la lecture du verset de l’Évangile, Matthieu, 19, 21 : « Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux. Puis viens, suis-moi. »
En 1517, Luther s’appuyant lui aussi sur le Nouveau Testament, veut non seulement corriger les abus de l’Église catholique, mais aussi sa doctrine. Ainsi est engagé un mouvement de réforme qui à l’origine voulait supprimer ou corriger tout ce qui était contraire aux enseignements du Nouveau Testament. Luther veut réformer profondément l’Église existante.
En 2023 la convocation d’un Synode ne peut pas être lue à travers la même grille de lecture : l’Église va mal, elle traverse une crise qui, mutatis mutandis, reproduit les erreurs, les abus, le délabrement annonciateur de la ruine auxquels François d’Assise et Martin Luther ont été confrontés.
François a réagi en optant pour la « réforme » personnelle, sa propre conversion. Martin Luther propose 95 thèses à l’origine d’un mouvement de réforme des pratiques et de la doctrine de l’Église. Il ne voulait pas créer une Église nouvelle. Mais devant le refus de Rome, il se résigne à une rupture qu’il n’avait pas initialement souhaitée.
On ne réécrit pas l’histoire à partir du passé et elle ne se reproduit pas à l’identique dans les faits.
Ces deux mouvements de « réforme » à trois siècles de distance restent cependant toujours un exemple aujourd’hui.
Le Synode s’est ouvert le 4 octobre. Une date symbolique, le jour où le calendrier liturgique célèbre saint François d’Assise.
L’Église n’en est pas à sa première crise ni même sans doute pas la plus grave. Ne voir que la crise et ses conséquences en perdant de vue ce qu’est l’Église, fondée par Jésus-Christ et confiée à Pierre : « Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Église », serait perdre confiance en Dieu et oublier que l’Église est née à l’ouverture de la porte du Cénacle le jour de la Pentecôte.
Des inquiétudes quand commence le Synode ? En soi ce n’est pas anormal dès lors que l’on n’a pas perdu la conviction que l’Église n’est pas d’abord une Institution régie par des lois et des structures mais qu’elles sont au service du charisme fondateur.
Le pape François s’est souvent exprimé à propos du Synode qui vient d’entrer dans sa première phase.
« La synodalité, ce n’est pas le chapitre d’un traité d’ecclésiologie, encore moins une mode, un slogan ou un nouveau terme à utiliser ou à exploiter dans nos réunions. Non ! La synodalité exprime la nature de l’Église, sa forme, son style, sa mission. » (Rome, 18 octobre 2021)
« Ce que le Seigneur nous demande est déjà pleinement contenu dans le mot ‘‘Synode’’. Marcher ensemble – Laïcs, Pasteurs, Évêque de Rome – est un concept facile à exprimer en paroles, mais pas si facile à mettre en pratique. » (50ème anniversaire du Synode des Évêques, 17 octobre 2015)
« N’oubliez pas cette formule : « Il a paru bon à l’Esprit Saint et à nous de ne pas vous imposer d’autre obligation » Actes 15, 28. C’est ainsi que vous devez essayer de vous exprimer, dans ce chemin synodal. Si l’Esprit n’est pas là, ce sera un parlement diocésain, mais pas un synode. » (Rome, 18 octobre 2021)
« Nous ne faisons pas un parlement diocésain, nous ne faisons pas une étude sur ceci ou cela, non : nous faisons un parcours d’écoute mutuelle et d’écoute de l’Esprit Saint, de discussion et aussi de discussion avec l’Esprit Saint, ce qui est une manière de prier. » (Rome, 18 octobre 2021)
« Il ne peut pas y avoir de sensus fidei sans participation à la vie de l’Église, qui n’est pas seulement l’activisme catholique, il doit y avoir avant tout ce « sentir » qui se nourrit des « sentiments du Christ ». (Rome, 18 octobre 2021)
Des inquiétudes ? Elles sont légitimes et doivent aussi être entendues. Le Synode n’est pas « un parlement » … pas plus que l’Église n’est une démocratie, même si toutes les voix doivent être entendues. Mais l’Église et ce depuis 2000 ans, n’avance pas à marche forcée sous l’influence de slogans et d’idéologies instauratrices de bouffées d’humeur sociétales qui lui sont totalement étrangères.
François a imposé, positivement ! le silence aux participants au Synode. C’est une invitation au recueillement pour échapper au bruit médiatique et pour éviter de l’amplifier par des déclarations qui ne feraient que brouiller les messages.
Il faut enfin entendre toutes les voix mais dans la mesure où elles ne sont pas discordantes en ouvrant des portes sur des impasses, des portes qui trahissent le message de toujours de l’Évangile.
Il ne peut être question de réduire un Synode et ce Synode à des revendications, en vrac : « le célibat sacerdotal », « l’accueil inconditionnel au mariage des personnes qui ne répondent pas à ce que l’Église exige pour l’accès au sacrement », « l’ordination sacerdotale accessible en dehors de ce que l’Église exige pour le sacrement »…
Nous attendons de ce Synode qu’il nous confirme dans les fondamentaux qui ont été vécus depuis les origines, parce que Jésus-Christ n’a pas fondé une Institution mais une famille surnaturelle qui vit sous la conduite de l’Esprit Saint.
« Souvent, Seigneur, ton Église nous semble une barque prête à couler, une barque qui prend l’eau de toute part. Et dans ton champ, nous voyons plus d’ivraie que de bon grain. Les vêtements et le visage si sales de ton Église nous effraient. Mais c’est nous-mêmes qui les salissons ! C’est nous-mêmes qui te trahissons chaque fois, après toutes nos belles paroles et nos beaux gestes. Prends pitié de ton Église. » Cardinal Joseph Ratzinger – Chemin de Croix au Colisée, 9° station, Jésus tombe pour la troisième fois – Vendredi Saint 2005
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