Une nouvelle rubrique !

Comme il est difficile d’être à la fois au four et au moulin j’ai ouvert une rubrique « Billet d’humeur – Le temps du jour ».

Ce blog est toujours en cale de construction avant le lancement en haute mer qui ne saurait tarder.

« Quand tu veux construire un bateau, ne commence pas par rassembler du bois, couper des planches et distribuer du travail, mais réveille au sein des hommes le désir de la mer grande et belle. »

Antoine de Saint-Exupéry

Aussi ai-je décidé d’ouvrir cette nouvelle rubrique pour me permettre de ne pas laisser le livre ouvert sur une page blanche trop longtemps.

J’ai donné à cette rubrique ce titre « Billets – Le temps du jour » pour signifier que ce seront des brèves, peut-être pas quotidiennes mais aussi fréquentes que possible, des réflexions sur l’actualité, des réactions à l’actualité.

Ces billets s’inscrivent dans l’ambiance générale que j’ai déjà esquissée dans l’introduction : ce lieu d’écriture qui ne cache pas ses convictions.

Pour ce qui est du sous-titre « Le temps du jour » il fait référence au climat sous lequel  est écrit le billet. Comme en météo marine j’ai opté pour trois niveaux ou force selon l’échelle de Beaufort[1] pour traduire le sentiment que m’inspire l’actualité qui provoque la réflexion et la réaction.

Force 0 : Temps calme. La mer est comme un miroir. La fumée monte verticalement. Les feuilles des arbres ne témoignent aucun mouvement.

Bréhat - Le soir et coucher de soleil (35.panorama Force 0)

Force 7 : Grand frais. Tous les arbres s’agitent. Grosses vagues, traînée d’écume.

Vent frais.0.panorama Force 0

 

 

 

 

 

 

 

Force 11 : Violente tempête. Conditions exceptionnelles : Lames exceptionnellement hautes (les navires de petit et moyen tonnage peuvent, par instant, être perdus de vue). La mer est complètement recouverte de bancs d’écume blanche élongés dans la direction du vent. Partout, le bord de la crête des lames est soufflé et donne de la mousse. Visibilité réduite.

Tempête.5.panorama Force 11

 

 

 

 

 

 

 

… Ainsi trouvera-t-on selon l’humeur du jour des « billets Force 0 » pour les bonnes nouvelle qui réjouissent, encouragent et donnent envie d’aller au large, des « billets Force 7 » pour les nouvelles qui assombrissent l’horizon,  et des « billets Force 11 », les coups de gueule !

 

 

 

Pape François.3

 

 

 

 

 

 

 

Mon cher cousin,

Vous êtes restés curieusement bien silencieux depuis l’élection du pape François. Je ne suis pas trop surpris de ton silence et de celui de ton mentor… Il doit être quelque peu sidéré par les évènements qui se sont déroulés ces derniers jours. Il faut se faire une raison : maintenant que nous voilà entrés dans une nouvelle étape, je suis bien certain que, de votre côté, vous affûtez les flèches et que vous étudiez la cible afin de l’attaquer dans l’angle qui vous semblera le plus vulnérable.

Une chose déjà est certaine, plus rapides que Lucky-Luke qui tire plus vite que son ombre, les médias ont déjà pointé l’artillerie lourde et armé quelques exocets. Dommage pour eux mais leur objectif n’est que l’ombre portée par l’éclairage blafard de leur vision étriquée du monde en général, et de l’Église en particulier, telle qu’elle devrait être selon eux dans le monde qu’ils imaginent. Ils passent à côté de la réalité.

Quant à moi sois certain que l’une des premières visites que j’ai faites après l’élection du nouveau pape François, a été pour ces médias. Je dois bien avouer que c’est passionnant, même si le plus souvent les bras m’en tombent de constater à quel point les vues sont courtes et réductrices dans la plupart des commentaires, quand elles ne sont pas à côté de la plaque.

On pouvait s’attendre à ce que soient lancés les habituels rappels sur les sujets récurrents … « il devra prendre des décisions sur …  le mariage des prêtres et l’ordination d’hommes mariés, l’admission des femmes au sacerdoce ministériel, l’accès des personnes « divorcées–remariées » aux sacrements[1], l’abandon de la position morale de l’Église sur l’avortement… » Un peu comme si, sait-on jamais, le nouveau pape pouvait oublier une chose : « il est d’abord et avant tout le chef de l’Église catholique, le vicaire du Christ. Mais, et s’il s’intéressait en priorité à « ces » questions …  In fine… et s’il pouvait donner une orientation différente à l’Église, être moins catholique ! »

Sans doute n’ai-je pas lu ces formulations écrites mais il n’est pas difficile de les voir pointer derrière des allusions à peine esquissées mais qui en disent déjà long.

A titre d’exemple ces perles tirées d’une interview[2] : « Il faut regarder d’un peu plus près la théologie du cardinal Bergoglio. … Ses positionnements sont plutôt ceux d’un conservateur qui souhaite maintenir l’ordre social moral. … Lorsqu’il était provincial jésuite d’Argentine il n’a pas soutenu la théologie de la libération…. Le problème de l’Église, c’est sa relation à la modernité. …C’est tout le paradoxe d’une institution écartelée entre une autorité de pouvoir et un message d’amour qui s’appuie sur l’Évangile. » 

A lire ces déclarations je me pose sérieusement une question : l’Église peut-elle se faire entendre comme ce qu’elle est par des personnes qui construisent le monde dans leur tête. Avant l’élection les mêmes         « faiseurs de rois » supputaient les chances de tel ou tel et ne manquaient pas de rappeler, à l’occasion, que le centre de gravité de l’Eglise n’était plus en Europe et qu’un pape venu d’un autre continent serait sans doute un signe d’ouverture, une manifestation de reconnaissance d’une réalité. Mais, pour ce qui est de l’Amérique latine, il faut bien avouer que les idées allaient dans une direction moins orthodoxe. C’est là que s’est développée la théologie de la libération ou en tout cas certaines de ses expressions les plus radicales. Un pape venu de ce sous-continent ? … Mais surtout, qui soit en phase avec cette théologie. Au fond, personne n’y croyait vraiment, personne n’imaginait cette audace des cardinaux et il n’a pas fallu bien longtemps pour se rendre compte que le pape François était et n’était pas celui qu’ils attendaient. Il plait dans la simplicité de sa personne et de sa vie. Il plait moins quand il se prononce sur les sujets qui sont dans la norme pour un pape qui est quand même le vicaire du Christ, le chef de l’Eglise catholique.

Mais de tout cela nous aurons l’occasion de reparler en détail, nous ne sommes qu’aux prémices d’un pontificat qui se présente sous un jour passionnant dans une attente sereine et pleine d’espérance.

Les « grands » de ce monde, … ceux qui sont tenus pour tels, se sont crus dans l’obligation de donner leur sentiment. C’est plutôt sympathique de leur part et atteste, pour le moins, qu’à défaut de prendre en compte la vraie signification de cette élection et du choix de l’élu, ils le considèrent comme un des leurs, une personne avec qui il faudra compter.

Je ne vais pas te faire une revue de presse complète de ces pages d’anthologie de haute voltige diplomatique[3], mais je vais quand même te donner un aperçu ce que j’en ai pensé à travers la « lettre ouverte » que, par un intermédiaire de mes protégés que j’ai dans ce pays, j’ai adressée au Président de Fhollandia[4].

François Hollande en St François            Monsieur le Président de la République,                                        

Après avoir pris connaissance du message[5] de bienvenue que vous avez adressé au nouveau pape François, vous me saurez gré de vous faire part de ma reconnaissance pour les vœux chaleureux que vous avez formulés, au nom de tous les citoyens que vous représentez.

Il va sans dire qu’à titre plus personnel, je m’associe tout particulièrement à ces vœux qui répondent point par point à ce qu’un fidèle catholique souhaiterait exprimer lui-même en ces circonstances, s’il avait la possibilité de le faire.

Je note que vous avez souligné la « haute mission » confiée au nouveau pape « à la tête de l’Église  catholique ».

Il est vrai que toute personne appelée aujourd’hui à assumer une charge à la tête d’un État, d’une Institution civile ou religieuse, ne peut éluder la responsabilité qui lui incombe de faire face en son âme et conscience « aux défis du monde contemporain ».

Sans énumérer explicitement quels sont ces défis, la suite de votre message en donne une certaine idée.

Vous rappelez que le pays à la tête duquel les électeurs vous ont porté, est l’héritier d’une histoire et que cette histoire multiséculaire a inscrit dans ses principes les valeurs universelles de « liberté, d’égalité et de fraternité ».  Ces principes, assurez-vous, sont les fondements de l’action que vous entendez développer dans le monde et qu’ils devront être au service du « dialogue » que ce pays a toujours « entretenu avec le Saint-Siège ». Qu’il me soit permis d’ajouter que ces principes ne sont pas seulement écrits au fronton de tous les édifices publics mais qu’ils le sont d’abord dans le cœur de toute personne.

Vous concluez en précisant que ce dialogue doit servir « la paix, la solidarité et la dignité de l’homme »

Vous voudrez me permettre de m’arrêter sur cette dernière expression, remarquable entre toutes, de votre message.

La « dignité humaine » !

Depuis que vous êtes entré en fonction vous avez, comme vous en donne le droit en vertu du suffrage universel, mis en œuvre des actions concrètes en vue de réaliser les objectifs que vous vous étiez fixés et qui constituaient votre programme électoral.

Depuis plusieurs semaines l’Assemblée Nationale débat dans un climat particulièrement tendu, heurté et non dénué d’une certaine violence verbale et psychologique, autour de votre projet de promouvoir par la loi le mariage entre personnes de même sexe qui était l’une de vos propositions phare inscrite dans votre programme.

Pourrez-vous encore prétendre entretenir un dialogue cohérent avec le pape François qui s’est exprimé sans ambiguïté sur le sujet : « Ce qui est en jeu c’est l’identité et la survie de la famille : père, mère et enfants. C’est la vie de tant d’enfants qui seront discriminés d’emblée car ils seront privés du fait de mûrir entre leur père et leur mère, tel que Dieu l’a voulu . Ce qui est en jeu, c’est un rejet frontal de la loi de Dieu, qui plus est gravée en nos cœurs. Ne soyons pas naïfs : il ne s’agit pas d’une simple lutte politique, mais d’une tentative de destruction du plan de Dieu. Il ne s’agit pas d’un simple projet de loi (ce n’est là que l’instrument) mais d’une poussée du père du mensonge qui entend confondre et tromper les enfants de Dieu. » (8 juillet 2010)»

Il ne s’agit pas de mettre en balance deux conceptions distinctes et, selon vous, respectables sous le même rapport, mais de confronter ces mêmes conceptions à la réalité qui est inscrite dans la nature de l’homme. Vous ne pouvez pas prétendre respecter la dignité de l’homme dès lors que vous décrétez arbitrairement que cette dignité est une construction évolutive au gré d’un supposé progrès des mentalités totalement indépendant de la nature humaine.

Vous avez aussi engagé une étude sur la fin de vie. Je rappelle les termes de l’engagement  que vous avez pris  dans votre programme : « Je proposerai que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité. »

Nous voilà au cœur de votre message qui, à l’instar d’une variation sur le même thème, instrumentalise une fois de plus le concept de dignité.

Vous avez dans votre entourage des personnes qui sont, d’après les convictions qu’elles affichent, considérées comme « catholiques ».

Vous avez confié à Mme G. Pau-Langevin le pôle de réflexion sur la famille. A propos de l’adoption par des personnes homosexuelles elle s’exprime ainsi, ancrée sur sa « culture catholique » : « J’ai réfléchi non à partir des positions actuelles de l’Église, mais des textes de la Bible. Le Christ est plus ouvert, plus révolutionnaire que ce qui se dit dans certains milieux catholiques. Je vois l’épopée du Christ comme la bataille d’un homme élevé contre les conservatismes. Pour moi les démarches excluantes ne sont pas caractéristiques de la charité chrétienne ».

Parmi les nombreux projets toxiques de votre gouvernement on trouve encore une énième réforme promue par le ministre de l’éducation nationale. Parmi les articles de son credo on peut lire ceci : « « S’appuyer sur la jeunesse pour changer les mentalités. … Libérer les enfants des déterminismes religieux et familiaux. » 

Cette dernière profession de foi a été reprise textuellement par la Garde des sceaux pour défendre son projet de loi sur le mariage entre personnes de même sexe.

Lisant toutes ces profondes réflexions affichées comme un socle de convictions, je ne peux manquer de les rapprocher de vos propres convictions –ou plutôt de l’absence de convictions- qui sont le moteur de votre vie : « Je suis arrivé à un point où ce qui s’impose, c’est plutôt la conviction que Dieu n’existe pas. Je respecte toutes les confessions. La mienne est de ne pas en avoir. La démocratie sera plus forte que les marchés, plus forte que l’argent, plus forte que les croyances, plus forte que la religion. »

Il me semble que vous pourriez faire un effort en évitant de proposer au nouveau pape, comme terrain du dialogue que vous appelez de vos vœux, une région qu’il connaît peut-être bien mais qui n’est sans doute pas le meilleur climat pour dialoguer dans la sérénité : le Cap Horn.

Si telles sont les positions fondamentales que vous adoptez, ce dialogue sera difficile à envisager pour trouver une convergence avec qui que ce soit dans l’Église catholique, dont le pape François a rappelé qu’elle ne saurait être réduite à une « ONG pietosa ».

Tous les médias ont repris mot pour mot la dépêche de l’AFP : «  L’Église n’est qu’une « ONG pietosa » si elle ne professe pas Jésus ». Le terme italien « pietosa » se traduit en français aussi bien par « pitoyable » que « compatissante ». Et personne ne sait pour l’instant ce que le pape argentin, qui a appris l’italien avec sa grand-mère piémontaise, entendait exactement par le terme employé. »

Si vous me permettez un commentaire personnel : avec un peu de sens commun, et même sans être un fin connaisseur de la langue de Dante, il n’est pas trop difficile de comprendre que le pape François veut dire que l’Église n’est pas une institution à but humanitaire, qu’elle doit accepter de suivre « Jésus en portant sa croix ». Ce sont les paroles du Christ que vous pourriez lire dans l’Évangile et il n’y a là aucun mystère. Les deux traductions disent bien ce qu’elles veulent signifier et tous ceux qui par le passé ont cru pouvoir réduire leur action dans l’Église  à du social et rien que du social – notamment les dérives marxistes de la théologie de la libération- font la démonstration des paroles du pape François. Il est heureux que ce pape qui peut s’exprimer sur le sujet sans rougir de ce qu’il a fait, le dise haut et fort.

« Ceux qui cherchent le Christ sans la croix trouveront la croix sans le Christ. »

Et en conclusion vous pouvez vous entourer de toute une galaxie de penseurs prétendument catholiques, vous n’êtes pas crédibles quand vous exercez une volonté qui a valeur de diktat, envers et contre tout, au mépris du respect de la liberté d’opinion qui s’est déjà exprimé, pour imposer coûte que coûte vos décisions qui ne respectent ni la liberté, ni l’égalité et moins encore la dignité humaine.

Croyez, monsieur le Président de la République, en l’assurance de ma haute et respectueuse considération.

Voilà, mon cher cousin, de quoi alimenter les discussions avec ton maître dans la perspective d’une stratégie de combat future.

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2013.03.19



[1] Ils n’ont certes pas accès à certains sacrements et notamment l’Eucharistie, mais ils sont toujours baptisés et il ne leur est pas interdit de se confesser. Quant aux personnes divorcées qui ne vivent pas dans une situation matrimoniale irrégulière et qui restent intérieurement fidèles à leur engagement premier elles peuvent vivre leur foi sans restriction aucune vis-à-vis des sacrements comme tout baptisé.

[2] Trois questions à … Olivier Bobineau – Sociologue des religions, auteur de L’empire des papes, CNRS éditions. Interview du Vendredi 15 mars 2013.

[3]J’ai entendu des réflexions moins délicates disant qu’ils sont tous des « faux derche »… Je n’irais tout de même pas jusque-là … !!

[4] Je rappelle que Fhollandia est ce pays imaginaire dans lequel Charly est envoyé pour faire ses preuves.

Mon cher Cousin,

Remets-toi !

Habemus papam !

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Merci à l’Esprit-Saint qui a inspiré les cardinaux en leur insufflant l’audace et la confiance.

Les médias ont déjà encadré la personne du pape François dans des balises qui montrent une fois de plus que, quels que soient leurs principes éditoriaux, ce n’est pas tant le successeur de Pierre choisi par le Christ qu’ils attendent mais un homme qui d’une façon ou d’une autre marquerait son empreinte qui corresponde à leur propre vision de l’Eglise et du monde. Ils n’ont sans doute pas les bonnes lunettes pour lire le message que nous envoie son véritable auteur !

Pour ma part je vois trois patrons à ses côtés :

François d’Assise, pour sa personne,

François Xavier, pour sa mission,

François de Sales, pour le soutenir dans sa communication.

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2013.03.14

 

Le Perugin - Remise des clefs à Saint Pierre.2

Mon cher cousin,

L’urgence des évènements me conduit à t’écrire plus tôt que prévu.

Dans la lettre précédente je t’écrivais : « Dans un prochain courrier je te dirai, à l’instar de le belle Solange, quel pape je souhaiterais. »

Et en préambule, pour qu’on ne fasse pas une erreur de lecture avec les mauvaises clefs, cette précision d’importance : je n’ai pas écrit ces mots parce que les derniers papes n’auraient pas été à la hauteur.

Les médias ont pour principal défaut une certaine « perversité intellectuelle » : non seulement ils se moquent complètement de ce que dit ou de ce que pense vraiment le pape, quel qu’il soit, ils tronquent pour mieux l’attaquer les moindres de ses paroles, mais en plus ils revendiquent toute liberté de mentir, sans accorder le droit de réponse, parce qu’ils orientent le monde contemporain dont ils se veulent l’interprète obligé, dans une optique qui ne veut pas accepter la Vérité qu’exprime le vicaire du Christ.

Je te remets en mémoire ce paragraphe qui est une séduisante litanie tirée de l’article signé Solange Bied-Charreton dans Le Monde du 02/03/2013[1].

« Je veux un pape ringard : un pape insupportable, irrécupérable, trop ringard, qui fait honte. Un pape-autorité, pour pouvoir le combattre. Un pape du Moyen Age, voire un pape archaïque. Un pape que je puisse facilement traiter de fasciste quand il dépasse les bornes.

Un pape toutes options, muni de fâcheux dérapages dans le domaine des mœurs, un pape d’erreurs de communication révélant sa vraie nature de pape. Un repoussoir de rêves. Un empêcheur de changer le monde. Et vieux, s’il vous plaît, le plus vieux possible. Un pape qui comprend rien aux jeunes, au monde moderne qui évolue. Un pape « old school », qui tient la porte aux dames, envoie des bouquets de fleurs…

Je veux un pape contre qui se révolter. Je réclame un pape contre qui faire des manifs. Je veux pouvoir casser du pape. Comment j’existerais si je ne puis contester le monde ancien, m’affirmer sans avoir à détruire des siècles et des siècles d’histoire ? Alors j’aimerais autant que l’ennemi soit identifiable, merci d’avance. »

Alors si tu me permets, et en plagiant la forme, je vais te dire comment je me positionne sur le même sujet.

D’abord, pour que les choses soient bien claires et compréhensibles, je ne peux pas faire abstraction d’un contexte : l’auteur a en travers de la gorge un héritage lourd à assumer dont elle ne manque de faire la douloureuse confession en déplorant à demi-mot faire partie « de  la génération Mitterrand, de ceux qui recréent leurs contraintes et s’enfoncent avec elles dans leurs contradictions. »

Elle se définit elle-même : « trentenaire urbaine, j’habite Paris depuis ma naissance. J’ai fait des études supérieures, voyagé aux Etats-Unis, appris à jouer de la guitare. Pris de la drogue, connu des hommes, visité des musées d’art moderne. J’ai su me confronter à des œuvres dérangeantes, d’inspiration tribale, de facture révolutionnaire. »

Cette génération à bout de souffle semble en panne d’inspiration et je ne vois pas encore de successeur en lice, si tant est qu’il soit souhaitable de lui en trouver un.

Dont acte.

Il y a aussi d’autres générations qui sont nées dans ce dernier quart du XX° siècle.

Elles ont choisi un autre modèle : tu as la Génération Jean Paul II, puis la Génération Benoît XVI, toutes les deux sont dans la continuité, sans césure quant aux motivations et aux nobles aspirations … en attendant que se lève la Génération ….

Tu me permettras de m’exprimer en son nom.

Nous voulons un pape…

  • Un pape Fashion : pas au sens habituel du terme, question style vestimentaire, mais un pape qui tient sa place dans le paysage médiatique autrement que comme une icône de magazine people, parce qu’il a des choses vraies et vitales à nous dire sur la foi et sur la morale.
  • Un pape qui sorte des clous de temps en temps : non par souci d’originalité et de ne pas faire comme tout le monde, mais parce qu’il est le représentant institué de celui au sujet duquel il avait été prédit à sa mère qu’il serait « un signe de contradiction ».
  • Un pape hors-piste : non pas parce qu’il déraille ou qu’il dérape, mais parce qu’il a le devoir de ne pas suivre le consensus mou de l’évolution naturelle en pente descendante vertigineuse de la société en manque de repères.
  • Un pape « Rallye-Dakar » : qui n’a pas peur de l’aventure, sans courir l’aventure pour l’épate, parce qu’il sait bien que sa fonction est de marcher en tête, en tenant bien en main la Croix qu’il reçoit en héritage de son maître, comme l’insigne de sa charge et obéissant au mandat de la porter pour le suivre.
  • Un pape version tempête apaisée plutôt que radeau de la Méduse : parce qu’il est à la barre de la barque de Pierre et qu’il a pour mission d’aller au large, malgré les tempêtes.
  • Un pape « Vendée-Globe » : qui ne craint pas d’affronter les 40° rugissants qui se déchaînent chaque fois qu’il prononce une parole qui va à contre-courant du tout-prêt-à-penser dans les domaines tellement sensibles de la foi et de la morale.
  • Un pape qui siffle la fin de la récré : maintenant tout le monde rentre à la maison et plus question de réinventer et de faire des expériences pour voir si ça marche mieux sous prétexte que les méthodes d’avant c’est plus « fashionable ».
  • Pas un pape « pot-de-fleurs-parce-que-c’est-décoratif » : un pape qu’on invite pour les grandes occasions parce que ça fait bien sur la photo dans les archives historiques[2].
  • Pas un pape langue de bois : un pape qui parle haut et fort, qui nous fixe des exigences et des objectifs élevés à la mesure de la mission qui a été celle de l’Eglise de toujours, depuis le premier jour, avec les premiers chrétiens dont beaucoup furent des martyrs, et jusqu’à aujourd’hui.
  • Pas un pape G.O. style Club-Med : qui fait « gouzi-gouzi » pour plaire à tout le monde et ne déplaire à personne.
  • Pas un pape qu’on laisse jouer au pape : parce que c’est une figure incontournable et qu’on peut plus s’en passer même si on ne l’écoute plus.
  • Pas un pape qu’on n’autorise pas à parler des droits de l’homme : parce que la meilleure façon de servir les droits de l’homme c’est d’affirmer et de respecter les droits de Dieu.

Nous voulons un pape qui marche devant nous, un pape qui prie, un pape qui nous ouvre le chemin, un pape qui n’a pas peur d’aller à rebours des modes qui passent, parce que c’est la mission que lui a confiée Jésus-Christ :

15 « Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci ? » Il lui répondit : « Oui, Seigneur, vous savez que je vous aime. » Jésus lui dit : « Pais mes agneaux. »

16 Il lui dit une seconde fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Pierre lui répondit :  » Oui, Seigneur, vous savez bien que je vous aime. » Jésus lui dit : « Pais mes agneaux. »

17 Il lui dit pour la troisième fois : « M’aimes-tu ? » et il lui répondit : « Seigneur, vous connaissez toutes choses, vous savez bien que je vous aime. » Jésus lui dit : « Pais mes brebis. » 18 « En vérité, en vérité je te le dis, quand tu étais plus jeune, tu te ceignais toi-même, et tu allais où tu voulais ; mais quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et un autre te ceindra, et te mènera où tu ne voudras pas. »

19 Il dit cela, indiquant par quelle mort Pierre devait glorifier Dieu. [3] »

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2013.03.08

 

 

 


   


[2] A ce propos on se souviendra de l’assistance de nombreuses personnalités à la conférence de Benoît XVI aux Bernardins à l’occasion de sa visite pastorale en France du 12 au 15 septembre 2008 – http://www2.ktotv.com/cms/videos/fiche_video.html?idV=00040852&vl=video_nouveautes

[3] Jean, 21, 15-19

Les toits de Rome.6

Mon cher cousin,

Ton oncle t’a donné un conseil judicieux en te recommandant de t’informer sur ce qui se dit sur le sujet dans les médias.

J’ai moi aussi suivi ce conseil –enfin pour le dire plus vrai, je n’ai pas attendu qu’il le dise !- et je voulais aujourd’hui te donner quelques aperçus de la presse à partir d’une sélection d’articles particulièrement intéressants. Les souris » ont fait beaucoup de kilomètres sur leur petit tapis, depuis l’annonce par Benoît XVI de sa décision de remettre entre les mains de Dieu la charge qu’il avait reçue le 19 avril 2005. Heureusement, ça se tasse un peu, comme il est habituel, l’actualité étant de loin dépassée par la fiction qui est le domaine d’élection de la plupart des journalistes, davantage intéressés par ce qui pourrait être que par ce qui se passe dans la vraie vie.

Alors, en attendant la prochaine poussée d’urticaire qui provoquera un prurit généralisé à l’échelle de la planète, quand la fumée blanche sortira de sa petite cheminée, je te fais la primeur de ma revue de presse, une sélection d’articles emblématiques de l’atmosphère qui entoure l’événement.

Je présume que tu n’auras pas le même regard que moi sur les articles parus dans les médias.

Je limiterai mes commentaires à ceux qui m’ont le plus marqué et, en t’avouant d’entrée de jeu que je ne partage pas vraiment les opinions qui sont émises. Ceux qui ont attiré mon attention sont, à mon sens, un peu « trash » … mais tout compte fait cela ne devrait pas te déplaire que je leur fasse de la publicité à ta place.

Dans la catégorie « Médias » je donne la dent de requin d’or au journal Le Monde, qui pour le coup mériterait bien le titre de « magistère de l’antipapisme primaire ». Mais tu n’es pas sans savoir comme moi que ce journal, qui a la prétention de l’indépendance vis-à-vis de toutes les instances qu’elles soient politique, économique, idéologique et bien entendu religieuse … survit grâce au bon vouloir et aux moyens financiers de quelques lobbies puissants auxquels il se doit de faire allégeance.

Dans la catégorie « Journalistes », j’accorde le croc d’argent à Stéphanie Le Bars[1] pour l’article « Vigueur », en forme d’éditorial dans un Cahier daté du 27.02.2013 sous le titre « l’Eglise après benoît XVI ». J’ai repris les passages marquants, dont certaines citations de Benoît XVI lui-même qu’elle a le bon goût de reprendre. C’est le gage d’une certaine bonne foi.

  « Dans le monde d’aujourd’hui, sujet à de rapides changements et agité par des questions de grande importance pour la vie de la foi, pour gouverner la barque de saint Pierre et annoncer l’Évangile, la vigueur du corps et de l’esprit est aussi nécessaire. » (Benoît XVI, 11 février).

                Il a invité ensuite un prochain pape nécessairement « vigoureux » à mettre fin aux « rivalités et divisions » de l’Eglise catholique.

                (Il a souligné) « l’urgence d’une nouvelle gouvernance, d’autant que les défis qui se présentent – sécularisation, pluralité religieuse, crise des vocations – sont nombreux. Sans parler des difficultés de l’institution à faire partager sa vision de la famille et sa conception de la morale sexuelle.

                Le prochain pontificat, encore plus que celui qui s’achève, sera placé sous le regard d’une opinion publique et de médias toujours plus exigeants en matière de transparence. Cette culture demeure balbutiante dans une Eglise trop souvent prise au piège de ses contradictions entre l’idéal de ses enseignements et les pratiques de certains de ses représentants. …

                De là dépendra aussi la capacité de l’Eglise catholique à se faire entendre sur des thèmes qui dépassent le cercle des seuls croyants comme en témoigne son message sur la doctrine sociale, sur l’accueil de l’étranger, ou ses mises en garde contre un capitalisme sans limites. »

Mon commentaire : tu remarqueras que l’accent est mis sur les éternels poncifs de l’incapacité de l’Eglise et de la hiérarchie –concept insupportable ! – à s’adapter au monde moderne avec lequel elle creuse un abime insondable par sa volonté de ne pas sortir de ses convictions en matière de morale et surtout sexuelle. Comme si l’être humain pouvait se résumer à cet espace anatomique … parce que pour ce qui est la dimension spirituelle de ce même espace … !

Dans la même catégorie, la griffe d’or est attribuée à Solange Bied-Charreton[2].

Je dois avouer que j’ai lu avec un plaisir presque peccamineux cet article plein de verve et d’un humour décapant que j’apprécie par son côté déjanté.

Je vais m’arrêter un peu plus longuement sur cet article parce qu’il est nécessaire de le décortiquer. Il va sans dire que le lire au premier degré lui enlève toute sa saveur… je devrais dire son piquant.

Je ne sais pas à vrai dire, jusqu’à quel degré il faut monter pour le lire et en tirer tout l’enseignement. L’écrivaine (ou l’auteure) [3] écrit « diablement » bien ! J’espère que tu apprécieras le qualificatif. Il est quand même rare dans ma prose, moi qui n’entends pas fréquenter même de loin les parages de ton lieu de détention coutumier, en dehors de tes missions sur le terrain.

J’ai fait pour toi une sélection-florilège de l’article et je te recommande vivement la lecture de l’intégralité dont tu transmettras une copie à ton patron, je pense que ça l’intéressera.

D’abord faisons les présentations : la « ravissante idiote [4]» se définit elle-même ainsi :

« Trentenaire urbaine, j’habite Paris depuis ma naissance. J’ai fait des études supérieures, voyagé aux Etats-Unis, appris à jouer de la guitare. Pris de la drogue, connu des hommes, visité des musées d’art moderne. J’ai su me confronter à des œuvres dérangeantes, d’inspiration tribale, de facture révolutionnaire. »

Je te préviens d’avance, et tu vas peut-être avoir honte pour moi d’avoir aimé cet article qui sent la « provoc » à mort, mais, pour faire « djeuns », quand j’ai lu ça j’étais quand même mdr [5]!!

                « Malgré l’extravagance de son accoutrement, il a bien fallu se rendre à l’évidence : le pape est un homme comme les autres. Il n’est plus adapté. Qu’allons-nous donc devenir sans Benoît XVI, ce repère idéal pour penser autrement, ce monument de ringardise ? Ce pape était tout ce qu’il nous restait, ou presque, d’intolérable. Il était encore pire que le précédent. »

                Tu avoueras que, comme entrée en matière, il y a plus soft ! Au moins cette introduction a le mérite d’afficher la couleur.

Sans faire tout le travail à ta place, je vais te livrer mon analyse en deux volets :

Ce que la signataire nous révèle d’elle-même

Comment elle voit le prochain pape :

« Je rêve d’un monde plus libre, où l’on pourrait faire ce que l’on voudrait, dans le respect des normes de sécurité et de respect mutuel Je n’ai pas vu la société évoluer, je n’ai pas non plus contribué à ce qu’elle évolue. J’aurais bien volontiers manifesté contre la loi instituant le contrat première embauche (CPE) en 2006, mais à ce moment-là je révisais un concours. On m’a laissée très libre. En réalité, on ne m’a rien laissé que des doutes, on ne m’a rien offert que des choix infinis, mais on m’aura tout de même appris à trier mes ordures. C’est la monnaie de ma pièce, le revers peut-être bien. (…) Arnaud Fleurent-Didier l’a très bien traduite dans sa chanson « France-Culture », cette absence de transcendance qui nous colle à la peau, cet évanouissement des fondamentaux, cette perte du sens. Cet impératif du fun qui est notre seul devoir. Ce droit au dialogue permanent qui ne nous contente pas. Il nous faut des romans pour décrire cet après qui déteste l’avant » (dans lesquels) des trentenaires d’aujourd’hui, les bébés bienheureux de la génération Mitterrand, recréent leurs contraintes et s’enfoncent avec elles dans leurs contradictions. »

Il est vraiment intéressant de lire cet aveu, jailli comme un cri du cœur du tréfonds d’une effrayante détresse qui ne veut pas l’avouer, expression de la désespérance d’appartenir à une génération qui n’a reçu que du « savoir vivre libre » sans savoir pourquoi ni dans quel but : « … on m’aura tout de même appris à trier mes ordures ». Les ordures ménagères, certes, mais toutes celles qui s’accumulent dans l’âme (… ça existe ?) et pour lesquelles il n’y a pas de sacs, de benne, de déchetterie … on n’a rien prévu. Alors comme il faut bien les vider quelque part, ces « ordures d’un autre type », on se défoule sur toute sorte de boucs émissaires sur lesquels on les déverse à longueur d’articles.

Le plus tragique est cet autre cri du cœur qui n’ouvre pourtant pas sur l’espérance et qui s’enfonce dans le vide, un vide sidéral.

         Alors un nouveau pape, oui mais « que le nouveau pape soit différent des autres. Nous voudrions d’un pape qui soit à notre image. Nous voudrions d’un pape à la portée de tous. Un pape si possible moins ancré dans le passé. Un pape assez ouvert pour discuter avec nous, par messagerie instantanée. Un pape pour régler tous nos problèmes de couple. Un pape trendy, qui laisserait un peu la théologie de côté. Un pape qui transforme les églises en espaces de prière et les confessionnaux en espaces détente. Un pape qui se la coule douce. Un pape de tolérance, un pape de résistance. Un pape que tu peux appeler quand  t’as pas le moral. Un pape jeune et fort. Un pape grand et beau. Une image positive, c’est mieux pour faire passer le message. Un pape pas toujours habillé pareil. Un pape qui se prend pas la tête. Ou, mieux, un pape vintage, un pape dans son jus. Un pape customisé, en vitrine. Un pape souriant sur une affiche dans ma cuisine, Un pape qui réinvente, un pape qui redécouvre, un pape qui revisite un peu le modèle papal. Un pape en papier peint, ambiance vide-grenier, qu’on achète d’occasion. Le pape est le meilleur ami de l’homme. »  

                 (Drôle quand même !)

Et malgré cette inspiration profonde d’une bouffée d’air un peu plus pur, cette éclaircie en bleu pastel dans un ciel plombé, l’article plonge à nouveau dans la tourmente de l’orage, comme la rechute inexorable, typique du syndrome bipolaire.

                « Un pape insupportable, irrécupérable, trop ringard, qui fait honte. Un pape-autorité, pour pouvoir le combattreUn pape du Moyen Age, voire un pape archaïque. Un pape que je puisse facilement traiter de fasciste quand il dépasse les bornes.

                Un pape toutes options, muni de fâcheux dérapages dans le domaine des mœurs, un pape d’erreurs de communication révélant sa vraie nature de pape. Un repoussoir de rêves. Un empêcheur de changer le monde. Et vieux, s’il vous plaît, le plus vieux possible. Un pape qui comprend rien aux jeunes, au monde moderne qui évolue. Un pape « old school », qui tient la porte aux dames, envoie des bouquets de fleurs…

         Je veux un pape contre qui se révolter. Je réclame un pape contre qui faire des manifs. Je veux pouvoir casser du pape. Comment j’existerais si je ne puis contester le monde ancien, m’affirmer sans avoir à détruire des siècles et des siècles d’histoire ?

                Alors j’aimerais autant que l’ennemi soit identifiable, merci d’avance. »

Enfin ce constat qui donne la mesure de l’incompréhension abyssale de cette même génération saccagée, reconnaît implicitement Solange Bied-Charreton, selon « un modèle libéral, démocratique, (qui) m’a donné un certain dégoût, disons désintérêt, de la religion. Génération imperméable à la simplicité désarmante qui est le trait marquant de Benoît XVI, dont la stature intellectuelle n’a pas d’équivalent en ce siècle débutant (… pour ne pas parler du précédent déjà entré dans les archives de l’histoire).

         « Le pape est resté debout, et on ne sait pourquoi, pour braver le sens de l’Histoire, pour nous prouver que certaines traditions n’ont pas encore été avalées par le présent sans fin. »

         Et d’appeler de ses vœux «  un pape qui ne soit pas d’accord ! Je veux un pape de fight, je veux un pape pour se clasher avec. Un pape qui dit « non merci » quand tu lui proposes un joint, qui refuse de participer à des free parties, crache sur nos jeans skinny et nos afters deep house. Qui rechigne à bouger son corps quand il est invité aux sets des meilleurs DJ de la planète. »

          Cette lecture pour désarmante, voire suffocante qu’elle soit, ne laisse pas aussi d’être édifiante et sous la plume sarcastique pointe, peut-être, un semblant de tendresse (… toute intellectuelle tout de même) qui n’est peut-être pas la vraie charité mais qui me semble témoigner d’un réel intérêt pour la personne. Et surtout mêlée à des flèches un peu empoisonnées on voit affleurer toute la misère d’une génération durablement flétrie par le manque de repères des années où les roses étaient à la mode quand on croyait qu’elles étaient belles, parfumées et sans épine.

Eh bien oui, j’en terminerai par te confier, mon cher cousin, que nous sommes nombreux dans l’Eglise à appeler de nos vœux un pape pas tout-à-fait comme ça ni tout-à-fait comme les autres, qui sache résister sans faiblir à la tête d’une institution vieille de 2000 ans dont il n’existe aucun équivalent dans l’histoire, qui a traversé toutes les évolutions et les révolutions et qui survécu quand on la croyait moribonde même qu’il n’a pas manqué de fines lames pour tenter de l’achever.

Dans un prochain courrier je te dirai, à l’instar de le belle Solange, quel pape je souhaiterais.

A bientôt

                PizziCathoLogo-Année-de-la-foi_francais.3

2013.03.07



[3] … Il paraît que l’orthographe d’aujourd’hui c’est comme ça … Je trouve ça très laid et je ne recommencerai plus.

[4] C’est (aussi) le titre d’un film français réalisé par Édouard Molinaro et sorti en 1964.

[5] Ou … lol ! Si tu préfères !

Le Jugement dernier - SixtineMon cher Charly,

Je t’ai envoyé ta « lettre de mission ».

Je n’ai pas reçu de nouvelles et tu voudras bien confirmer si tu as reçu mon courrier et comment tu l’as reçu.

Depuis quelques jours la situation a bien changé et tu auras sans doute appris que le représentant en titre de l’ennemi a renoncé à l’exercice de la charge qu’il portait, pour des raisons dont il a informé ses pairs et tous ceux qui dépendaient de son autorité.

Cela change et ne change pas substantiellement notre stratégie.

Ce qui ne change pas c’est qu’après un temps de « vacance » un autre prendra sa place.

Ce qui peut changer c’est que ces périodes de transition sont intéressantes pour nous, car nous avons là une belle occasion d’entretenir le trouble dans les esprits. Tu prendras le temps de t’informer de tout ce qui se dit et surtout de qui le dit.

Il est vrai que la situation est tout-à-fait inédite. Comme cela ne s’est jamais vraiment produit jusqu’à présent, la perspective est novatrice et donne libre cours à toutes les interprétations.

Les médias sont prolifiques sur le sujet et toutes les hypothèses ont été dessinées à grand renfort d’imagination, ce qui nous amuse beaucoup ici. Il n’y a pas tant de motif de réjouissance de notre côté que nous trouvions au moins un peu de satisfaction de constater que les choses ne vont pas très bien sur le terrain où tu es chargé de réaliser les exploits que nous attendons de toi !

Laisse-moi te donner quelques pistes pour mettre à profit cette période qui peut en déstabiliser pas mal.

  • Il y a les pessimistes :

« … Pensé avec tristesse à tout le terrain perdu par l’Eglise. Elle ne mourra pas puisque le Christ a dit que les portes de l’enfer ne prévaudraient pas contre elle, mais il est  possible que vienne le jour où la vérité ne sera plus représentée que par quelques millions de catholiques persécutés ayant à leur tête un petit vieillard en soutane blanche qui se cachera dans je ne sais quelle catacombe. Quand le Fils de l’homme reviendra sur  la terre, pensez-vous qu’il trouvera encore la foi ?[1] »

Ceux-là tu peux les oublier, ils sont sans importance. Ils vivent comme des reclus dans un asile spirituel où ils se morfondent en regrets stériles.

  • Il y a les partisans d’un changement radical :

« Il m’a surpris. C’est une des choses positives de son pontificat de dire : « Voilà, je pars… « . C’est un acte de lucidité et de courage. « Bravo, c’est un acte de modernité que sa démission », dit le prélat aux positions souvent considérées comme contestataires au sein du clergé. Sur son pontificat, je suis réservé (…) Je ne pense pas que c’est le pape dont le monde catholique avait besoin. Il a accentué le conservatisme de l’Eglise. Il n’a pas ouvert les portes », a regretté le prélat, citant les questions de bioéthique, de sexualité, les femmes ou encore l’ordination des prêtres.[2]»

« Nous avons besoin d’un pape qui soit davantage un curé qu’un professeur. Un représentant de Jésus capable de dire : « Si quelqu’un vient vers moi, je ne le renverrai pas » (cf. Jean 6, 37[3]) qu’il soit un homosexuel, une prostituée ou un transsexuel. [4]»

Ceux-là tu devras les soigner parce qu’ils servent nos intérêts, mais uniquement par leurs discours. Sinon ils sont plutôt « has been ».

  • Il y a ceux qui n’y connaissent pas grand-chose mais qui ont toujours quelque chose à dire surtout sur les sujets qui sont aux antipodes de leurs intérêts personnels :

Le député de l’Essonne Nathalie Kosciusko-Morizet, y a vu, elle, « Un signe de modernité (…) assez paradoxal de la part d’un pape qui a marqué par une théologie assez traditionnelle ».

« Un avis partagé par l’ancien ministre de l’intérieur Claude Guéant qui a estimé le même jour sur Canal + que cette décision était « une bonne nouvelle » qui montre « la capacité de l’Eglise de se renouveler et d’embrasser une forme de modernité »[5].

Ceux-là aussi tu peux les négliger, ils sont des verts-luisants qui ne brillent que sous l’éclairage de la lumière obscure des médias !

  • Enfin il y a les vrais, les authentiques, les « durs-à-cuire », ceux qui resteront malgré toutes les tempêtes … Hélas avec ceux-là tu risques de perdre ton temps.

J’attends ta réponse et tiens-moi au courant de tes (nos !) affaires.

Ton oncle, le sbire de Shaitân      Le diable - Réduction

2013.03.03        



[1] Julien Green, Journal T III

[2] Mgr J. Gaillot, ancien évêque d’Evreux (1982) Evêque in partibus de Parténia depuis 1995.  http://www.leprogres.fr/france-monde/2012/08/03/mgr-gaillot-eveque-de-partenia-loin-des-micros-et-des-cameras

[3] Le texte officiel dit, et il vaut la peine de compléter la citation pour la placer dans son vrai contexte :

37 « … celui qui vient à moi, je ne le jetterai point dehors.

38. Car je suis descendu du ciel pour faire, non ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé.

39. Or, la volonté de celui qui m’a envoyé, est que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés, mais que je les ressuscite au dernier jour.

40. Car c’est la volonté de mon Père qui m’a envoyé, que quiconque voit le Fils et croit en lui, ait la vie éternelle ; et moi je le ressusciterai au dernier jour. »

[4] Léonardo Boff (Le Monde, 2013.02.28 Cahier « L’Eglise après Benoît XVI »). L. Boff a été l’un des chefs de file de la théologie de la libération dans les années 1970-1980 au Brésil. En 1992, il quitte le sacerdoce.

 Mon cher « cousin »,

Tu ne m’en voudras pas de te considérer comme un cousin éloigné, un de ces lointains parents qui, pour des raisons diverses, ont quitté la famille, brisant tous les liens, mais qui gardent dans leur cœur -même si je ne sais pas bien quels sentiments vivent encore dans ce cœur là- une certaine nostalgie de la famille.

Peut-être est-ce la raison de ton assiduité à vouloir te manifester parmi nos protégés, leur faisant croire qu’il existe un autre monde, bien plus intéressant dont tu es, en quelque sorte, un ambassadeur. Je t’avouerai que je trouve tes lettres de créance un peu douteuses et qu’il faut faire preuve d’une bonne dose de naïveté pour les recevoir mais, ces « êtres stupides », comme vous vous plaisez à les appeler, font trop souvent preuve de légèreté, ce qui les rend pourtant si attachants. Remarque bien qu’il en va de même pour nous, nous ne sommes pas dupes de leur labilité, non sans oublier toutefois que si nous sommes à leurs côtés, c’est précisément parce que, une fois n’est pas coutume, nous sommes bien d’accord sur un point : ils ne peuvent pas s’en sortir tout seuls, que ce soit dans un sens ou dans l’autre.

J’espère donc, que tu ne m’en voudras pas si je prends la liberté de t’écrire pour te faire part de mes commentaires au sujet des lettres que ton oncle, «le sbire de Shaytân », t’a écrites pour  t’encourager dans ton entreprise. Si j’ai bien compris tu es envoyé sur le terrain pour faire tes preuves.

Note bien jusqu’ici que je ne vois pas de raison de renoncer à ma fonction et de te laisser faire sans réagir.

Avant de poursuivre permets-moi de revenir au propos initial qui est le motif de mes courriers. J’ai lu avec l’attention qu’elles méritent, toutes les lettres qui te sont parvenues et dans lesquelles ton oncle, cet « énarque » haut-placé dans la bureaucratie infernale, ton patron direct, t’instruit sur la façon de conduire mon protégé vers le côté obscur de la force comme on l’appelle parfois, pour qualifier ce lieu innommable auquel tu as choisi de vouer tes services, je veux parler de l’enfer. J’ai aussi appris de ton mentor qu’il vaut mieux se la jouer discrète et ne pas employer ce mot, la meilleure tactique pour faire croire qu’il n’existe pas ni non plus, le maître des lieux.

Il est vrai qu’aujourd’hui nombreux sont ceux qui ne croient pas plus au ciel qu’à l’enfer, à Dieu ou au diable. Et pourtant on n’a jamais autant parlé de ces « mondes imaginaires » et de ces « personnages de fiction » que de nos jours. Par curiosité, ouvre un journal, écoute ceux qui s’expriment dans tous les médias … Il ne se passera pas longtemps sans qu’apparaisse, sous une forme ou sous une autre, une référence à nos patrons respectifs, sur  le mode de la variation sur le même thème, où ils sont mis en scène.

Tu me permettras aussi de te faire remarquer un détail, mais qui est d’importance. Ton maître appelle le mien « l’ennemi » avec un mépris certain et une condescendance non moins affichée. Il t’aura, je n’en doute pas, informé de l’origine de ce monde auquel tu appartiens désormais. Mais comme je me méfie de ce qu’il raconte, je préfère te dire la vérité. Il y a bien longtemps, ton patron était un ami de mon Maître et Seigneur, et je tiens à exprimer par ce titre ma vénération et toute mon  affection envers lui. Mais il eut un jour un sérieux différend à propos d’une initiative qu’il avait l’intention de prendre et dont il a informé celui qu’il considérait alors comme le plus fidèle de ses sujets et qu’il avait placé au plus haut dans la hiérarchie de l’armée céleste.

Peut-être te rappelles-tu qu’il a créé tout ce qui existe, même si vous déployez depuis longtemps d’énormes efforts pour forger des idéologies de substitution dont vous voulez remplir la cervelle des « pauvres créatures ». Ainsi, il a eu le projet de couronner sa création par ce qu’il voulait comme son chef-d’œuvre. Il voulait le créer « à son image et à sa ressemblance ». Cette créature était insupportable à ton patron. Elle est celle qu’il affuble des noms les plus méprisables « cette affreuse vermine humaine » « ces animaux à deux pattes » « ces imbéciles » … son imagination sur le sujet est inépuisable. C’est à partir de ce moment que de fidèle serviteur ton maître est devenu l’ennemi de mon Maître qu’il n‘a plus voulu servir.

Laisse-moi te dire une dernière chose : vous semblez ne rien savoir d’un don précieux qu’il nous a donné en héritage celui d’aimer. J’ignore même si tu sais ce que ce simple mot veut dire, mais il donne à toute la vie de l’homme un sens qui vous interdira à tout jamais de le comprendre. C’est bien pourquoi par tous les moyens vous essayez de le pervertir en orientant ses capacités d’aimer dans des directions où il s’enlise. L’une de vos plus cuisantes défaites, qui s’appelait Augustin, le décrit à merveille dans un de ces livres que vous haïssez, La Cité de Dieu [1]: « Deux amours ont fait deux cités : l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, la Cité terrestre, l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi, la Cité céleste. »

Votre moteur est la haine de l’autre à laquelle vous donnez des figures multiformes agrémentées des costumes les plus séduisants, l’égoïsme, la colère, la luxure, l’intempérance… la liste est interminable, et il faut bien reconnaître que vous avez acquis un art consommé pour les travestir et les rendre acceptables : l’égoïsme devient l’affirmation de soi, la colère simule la vertu de force, la luxure emprunte toutes les formes de la variation sur le thème de l’amour, l’intempérance se décline sur le mode du bon goût et du raffinement… En bref vous disposez d’un arsenal très sophistiqué pour tromper les créatures. Il faut bien avouer que vous avez acquis beaucoup de savoir-faire et ils tombent plutôt souvent dans les pièges que vous leur tendez.

Alors je voulais avant de terminer cette première lettre, te confirmer dans ma conviction, au cas où tu imaginerais autre chose, que je ne me laisserai pas faire et que tu me trouveras toujours sur ton chemin, partout où tu seras pour user contre mon protégé du seul pouvoir qui te reste à toi et à tes semblables, la tentation.

            A bientôt, mon cher « cousin ».                                                                                        

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2013.02.28

 

Le diable

Mon cher Charly,

[Lettre de mission]

 Je vais te confier une mission spéciale qui requiert beaucoup de savoir-faire et qui doit nous permettre de gagner beaucoup de disciples pour notre père d’en-bas. N’oublie pas que notre ennemi est celui qu’ils appellent « le Père du ciel » ou « le Père d’en haut ».

Tu vas devoir te rendre dans un nouveau pays[1]. Il s’est acquis depuis des siècles, une distinction honorifique que nous détestons plus que tout. Il est la première nation à être passée dans le camp de l’ennemi et à ce titre on l’appelle la « fille aînée de l’Eglise ».

Au fil des siècles nous avons fini par gagner beaucoup de terrain et, de façon décisive depuis qu’ils ont fait « leur révolution ». La seule pensée de cette période idyllique me réconforte quand je pense à toutes les batailles que nous avions engagées et que nous avons perdues. Mais pendant cette période et grâce à elle nous avons fait beaucoup de belles conquêtes sur bien des terrains. Et jusqu’à aujourd’hui nous en tirons les bénéfices. Mais il ne faudrait pas nous endormir sur des lauriers durement mais jamais totalement conquis.

Tu dois prendre conscience que le seul fait de t’envoyer là-bas porte la marque d’une grande confiance, mais aussi d’une grande responsabilité. Tu ne devras jamais oublier que cette nation nous a fait le plus grand mal en envoyant partout dans le monde des missionnaires pour évangéliser. Tu imagines, des hommes et des femmes qui ne demandaient rien à personne, ont vu arriver chez eux des personnages dans un accoutrement ridicule et qui, en plus, ne craignaient pas d’aller dans des régions reculées et complètement perdues où même les autochtones n’osaient pas s’aventurer. C’est dire s’ils y croyaient !

Heureusement nous avons réussi à leur mettre des bâtons dans les roues en intervenant auprès des responsables politiques de cette même nation pour qu’ils envoient en même temps des fonctionnaires et des soldats qui n’avaient pas l’objectif d’évangéliser. Bien sûr, il se trouvait parmi eux des brebis galeuses qui marchaient main dans la main avec les missionnaires. Mais finalement nous avons obtenu au bout du compte des résultats intéressants : les guerres coloniales ; les guerres d’indépendance et leurs séquelles, notamment l’anticolonialisme qui est aujourd’hui l’un de nos meilleurs atouts pour discréditer l’ennemi dans ces pays.

Quant aux missions, si tu regardes le résultat aujourd’hui, ce n’est quand même pas aussi brillant qu’ils veulent le faire croire. Ils ont fait des disciples mais à quel prix pour ceux qui sont partis : la maladie, le martyre (une arme toujours efficace mais dont il ne faut pas abuser), les désillusions, les défections parmi les convertis et y compris dans leurs propres rangs.

Si je te dresse ce tableau somme toute contrasté, c’est pour te mettre dans l’ambiance de cette nation qui est en train de s’enfoncer dans une crise qui est surtout spirituelle et morale et c’est ce qui nous sert le plus. On peut certes en rajouter des louches en introduisant une dose de crise matérielle, mais ces crises-là ont toujours des solutions, même si elles facilitent momentanément l’aggravation de l’autre crise, la crise morale et spirituelle qui est la seule qui nous intéresse vraiment, et qui est la condition sine qua non de toutes les autres et donc de nos plus belles victoires.

Tu te renseigneras bien sur l’histoire récente de cette nation, sans perdre de vue que les faits ne seront jamais que des circonstances accidentelles que nous devons exploiter au mieux de nos intérêts, mais là n’est pas l’essentiel. Ce qui compte c’est de créer une exaspération qui ramène les créatures abominables vers des centres d’intérêt très primaires qui les éloignent le plus longtemps possible de la pensée de l’ennemi.

Je ne te cache pas que la situation est grave car tu apprendras que le représentant officiel de l’ennemi, qui habite le pays voisin, a décidé d’ouvrir une année de la Foi. Rien que ça ! Nous qui avons mis des siècles pour miner le terrain et tenter de réduire la foi à de vagues croyances,  figure-toi qu’il vient de nous déclarer la guerre. On va voir ce qu’on va voir, mais cette année promet de belles empoignades.

Justement, le moment est venu de leur porter un coup sérieux. Tu sais qu’ils ont gouvernement et celui qu’ils ont depuis quelques mois nous sert plutôt bien. Ne crois pas que je sois naïf : leurs grands principes, leurs convictions sont fragiles et ils en changent souvent sans se rendre compte que c’est du vent, rien de très sérieux comme la foi et tout ce qui en dérive comme la prière, les sacrements, les œuvres de charité. Tu peux retourner comme un gant un de ces arrogants défenseurs de belles convictions politiques et ça ne leur fait ni chaud ni froid, mais faire sortir de l’Eglise un croyant authentique, c’est une autre paire de manches. Je sais bien que nous avons des taupes à l’intérieur de l’institution mais ils ne sont pas fiables et de toute façon, même s’ils servent nos intérêts, les traîtres ne sont jamais de bons clients.

En ce moment, et grâce à des transfuges –ils les appellent des renégats-  nous avons réussi à allumer une double mèche qui va, je l’espère, mettre le feu aux poudres. Il s’agit de bien manœuvrer et de jouer serré. Leur nouveau gouvernement a sur le gril deux projets qui sont deux petites merveilles. Tu te rends compte, le premier projet est le meilleur outil qu’ils mettent entre nos mains pour détruire la famille et tout ce qui s’en suit Quant au deuxième il aura pour objectif une loi des plus intéressantes pour nous : elle devrait autoriser à envoyer ad patres un bon nombre d’entre eux qui ne supportent plus de vivre dans des conditions qu’ils jugent, et on les comprend, indignes. Ce projet les mettra dans les conditions optimales qui leur ouvrent toute grande la porte qui conduit chez nous. Entre nous, la vie est bien la chose la plus pénible qui soit et ils n’ont pas conscience du mal de chien que nous nous donnons pour la leur rendre insupportable. Une de leurs passionarias, la « folle d’Avila », écrivait, à propos de la vie : « …une mauvaise nuit dans une mauvaise auberge [2]». Elle savait de quoi il retourne, elle à qui nous en avons fait voir de toutes les couleurs.

Ne perds pas ton temps avec ceux qui résistent, ceux qui ont fait un objectif de toute leur vie d’être un « signe de contradiction » dans un monde sécularisé, supportant toutes les épreuves. Ils seront toujours réfractaires à nos argumentations. Ils sont du même acabit que cette foule d’indomptables que nos lointains prédécesseurs envoyaient en cohorte dans les cirques et dont ils ont fait des saints martyrs.

« Dieu-merci » (Ô, pardon !) pour eux, les arènes ont fermé boutique mais il reste, heureusement pour nous, le cirque médiatique qui finalement est beaucoup plus intéressant, moins cruel et plus amusant.

Et surtout arrange-toi toujours pour que les disciples de l’ennemi marchent en ordre dispersé, que l’on ait l’impression que la religion, ce système imbécile, que l’un de nos meilleurs alliés a qualifiée d’opium du peuple, apparaisse comme une utopie qui rend stupide, en plus ne pas leur apporter le bonheur qu’ils espéraient.

Il faut qu’ils sentent peser sur eux le poids d’une pression qui les dépasse mais qui s’exerce sans violence sous les apparences de la démocratie, de la liberté, du respect de l’autre. Beaucoup finiront par capituler. Je préfère te prévenir que tous ces mots sont des concepts que ces « animaux qui se croient intelligents » affectionnent mais qui sont aussi de ceux qui génèrent le plus de conflits. Ils s’en accommodent parce qu’ils pensent que c’est dans ces concepts que se trouve la clef de leur misérable existence. Tu n’imagines pas la quantité de livres dont ils remplissent leurs bibliothèques sur ces sujets. Il est vrai que s’ils étaient cohérents et s’ils avaient des repères éthiques -quel mot repoussant !- ils s’éviteraient bien des problèmes, mais comme ils les ont peu à peu abandonnés au profit du consensus (Ah que ce mot est plaisant !) et du progrès scientifique… ils ont introduit le cheval de Troie dans tous leurs systèmes.

N’oublie pas un grand principe qui donne toujours de bons résultats : comme tout n’est jamais ni tout blanc ni tout noir et que généralement les « créatures abominables » ont un penchant pour la miséricorde, il faudra toujours faire en sorte que la vérité, contre laquelle nous ne pouvons pas lutter à armes égales avec l’ennemi, soit combattue par le sentimentalisme et le consensus mou. Ainsi ceux qui défendent la vérité passeront-ils toujours pour des êtres sans cœur. Il faut à tout prix que disparaisse la seule chose contre laquelle nous sommes impuissants : l’amour. Cette maudite créature, en effet, est faite pour aimer et s’il aime vraiment il est sauvé et il devient pour nous le pire des dangers car il en entraîne beaucoup d’autres à sa suite.

Enfin n’oublie jamais le principe fondamental de toute notre tactique, il est toujours le même, il a marché la première fois et il fait toujours ses preuves. Sur tous les modes tu dois convaincre les vermines de cette seule vérité, la seule qui nous permet de les tourner de notre côté : « vous serez comme des dieux ».

Pour y parvenir il n’y a qu’une méthode la tentation, la tentation et la tentation. Avec un peu d’expérience tu verras que ça marche (presque) à tous les coups. Avec un peu plus d’expérience tu verras aussi que cela demande du travail, beaucoup de travail. Mais l’ennemi, qui est pourtant très fort a aussi commis une erreur ! Il a donné à la créature la liberté ! Tu constateras très vite que c’est pour elle un point fort et un point faible. A nous de nous en servir pour l’attaquer sur son côté faible.

Le sbire de Shaytân

2013-02-25


[1] On appellera ce pays imaginaire Fhollandia

[2] Sainte Thérèse d’Avila, Le Chemin de perfection, 34 “¿Qué será de la pobre alma que, acabada de salir de tales dolores y trabajos como son los de la muerte, cae luego en ellas? ¡Qué mal descanso le viene!; ¡qué despedazada irá al infierno!; ¡qué multitud de serpientes de diferentes maneras!; ¡qué temeroso lugar!; ¡qué desventurado hospedaje! Pues para una noche una mala posada se sufre mal, si es persona regalada (que son los que más deben de ir allá), pues posada de para siempre, para sin fin, ¿qué pensáis sentirá aquella triste alma?”

Le texte original le dit différemment et dans un contexte précis mais le sens habituellement retenu est bien que la vie est comme passer « une mauvaise nuit dans une mauvaise auberge ».

 

 

The Burning of the Houses of Parliament J.M.W. Turner

The Burning of the Houses of Parliament – J.M.W. Turner

Cher Clive Staples[i],

A titre d’adresse et pour l’introduire, je vous dédie ces quelques lignes que je voudrais en toute simplicité appeler la « philosophie » de ce blog.

Vous êtes aujourd’hui un écrivain bien connu, encore plus connu devrais-je dire, depuis que l’univers et les personnages que vous avez créés ont acquis une nouvelle vie avec Walt Disney Pictures et « The Chronicles of Narnia : Prince Caspian[ii]».

Avant d’aller plus loin vous me permettrez de vous citer : « Mon argument contre Dieu était que l’univers me semblait terriblement cruel et injuste. Mais d’où me venait le concept du juste et de l’injuste ? On ne dit pas qu’une ligne est tordue tant qu’on n’a pas une certaine idée de ce qu’est une ligne droite. À quoi donc est-ce que je comparais l’univers quand je le qualifiais d’injuste ? »

On lit cette citation de vous – je n’ai pas trouvé la référence exacte – et dans la continuité cette réflexion : « Ouvrir un livre de Lewis, c’est toujours comme ouvrir une fenêtre dans une pièce qui sent le renfermé. » [Dieu au banc des accusés – Quatrième de couverture]

Le livre s’ouvre par une préface où on peut lire : « Lewis enjambe tous les pièges dans lesquels se débattent tant d’auteurs contemporains, y compris les incroyants qui pensaient nous surprendre par leur Mythe du Dieu incarné [John Hick, The Myth of God Incarnate, Westminster Press, Philadelphia, 1977]. De nos jours, le mot mythe … est, au mieux, défini comme un genre de langage imagé pour sauvages.

Encore plongé dans l’athéisme farouche de sa jeunesse Lewis était allé aussi loin que ces incroyants comme il ressort d’une lettre datée du 12 octobre 1916 et adressée à l’un de ses plus vieux amis : « Toutes les religions ou mythologies ne sont que pures inventions humaines. … Ainsi le christianisme prit naissance – une mythologie parmi tant d’autres. »

Walter Hooper, Oxford 1978

Je vous connaissais déjà par l’intermédiaire d’un autre de vos livres The Screwtape Letters[iii], dont la version française a pour titre « Tactique du diable – Lettres d’un vétéran de la tentation à un novice[iv] ».

Accordez-moi de citer votre préface : « Je n’ai pas l’intention d’expliquer au lecteur de quelle façon l’échange de lettres que je publie dans ce livre m’est tombé entre les mains. Au sujet du diable et des démons, les hommes peuvent commettre deux erreurs. Elles sont diamétralement opposées mais aussi graves l’une que l’autre. L’une consiste à nier leur existence, l’autre à y croire mais à leur porter un intérêt excessif et malsain.[v] »

Il apparaît en effet, que tout l’intérêt que les hommes portent à ce personnage et au monde infernal auquel il appartient, consiste en ce qu’il est considéré soit comme un mythe sans fondement soit comme une réalité démesurément impliquée dans le monde où nous vivons. Et, pour vous citer encore, vous dites de lui, toujours dans la préface : « Le lecteur fera bien de se rappeler que le diable est un menteur. »  

Ainsi donc sa première victoire : faire croire qu’il n’existe pas. Il n’est que de citer Baudelaire lui-même qui met sur les lèvres d’un prédicateur imaginaire cet avertissement : « Mes chers frères, n’oubliez jamais, quand vous entendrez vanter le progrès des lumières, que la plus belle des ruses du diable est de vous persuader qu’il n’existe pas ![vi] ». Dans le poème, un personnage qui parle à la première personne -Baudelaire lui-même- raconte sa rencontre avec « un être mystérieux » dont il ne tarde pas à se convaincre qu’il est le diable lui-même qui lui confie avoir été, pour la première fois, troublé par ce prédicateur. Et Baudelaire de poursuivre : « Encouragé par tant de bontés, je lui demandai des nouvelles de Dieu, et s’il l’avait vu récemment. Il me répondit, avec une insouciance nuancée d’une certaine tristesse : « Nous nous saluons quand nous nous rencontrons, mais comme deux vieux gentilshommes, en qui une politesse innée ne saurait éteindre tout à fait le souvenir d’anciennes rancunes. »

Mais le diable sait aussi jouer sur un autre registre qui consiste à faire croire qu’il est partout et qu’il tire toutes les ficelles. C’est lui accorder quand même plus de pouvoir qu’il n’en a réellement.

La « Tactique du diable » est une correspondance qu’entretient Screwtape, le vétéran de la tentation, avec un novice, Wormwood, en quelque sorte envoyé en stage ouvrier sur le terrain où il est chargé d’entraîner hors du droit chemin un nouveau converti.

Au fil de la correspondance à sens unique, puisque toutes les lettres sont signées de Screwtape, il n’est pas difficile de discerner la plupart des situations classiques auxquelles les êtres humains sont un jour ou l’autre confrontés quand il est question de ce qu’il est convenu d’appeler la « vie intérieure ». Depuis plusieurs années un magazine consacre une page de sa livraison hebdomadaire du week-end, à un entretien avec une personnalité des milieux les plus divers : les médias, les arts, la science, la politique… etc. sur le mode du questionnaire de Proust. La page est intitulée « Dans la tête de … ». Il manque rarement une question sur le thème « Et Dieu dans tout ça ? » avec les variations sur le même thème. Les réponses sont très variables plongeant dans les abîmes insondables de la bêtise pour monter jusqu’aux aux sommets d’une réflexion hautement spirituelle en passant par la platitude désolante de l’ignorance ou de l’indifférence. J’y reviendrai.

La question de « Dieu » n’est pas nouvelle… ou pour mieux l’exprimer, elle se pose toujours depuis la nuit des temps et ce qui importe n’est pas tant la question que la réponse. La situation du monde contemporain interroge toute personne qui veut bien ouvrir les yeux et accepter sans a priori d’y voir son propre rapport à Dieu.

Alors ce blog ?

On y rencontrera plusieurs personnages que je voudrais brièvement présenter.

L’alter ego de Screwtape, dont le nom est difficilement traduisible en français, est devenu « le sbire de Shaytân[vii] » et Wormwood, le novice, l’apprenti diable, s’appelle Charly[viii] &[ix].


Il n’était pas aisé de trouver un équivalent pour traduire Wormwood. « Wormwood » est le nom d’une plante qui n’a pas très bonne réputation. De plante elle est devenue par distillation une boisson alcoolisée qui a pendant longtemps été interdite en France, l’absinthe. Elle était supposée avoir des vertus aphrodisiaques et stimulantes pour la création. Sans doute, cher Clive Staples, avez-vous choisi ce nom pour symboliser le système universel de la tentation, lequel a de tout temps fait ses preuves et qui joue sur deux registres, la recherche de sensations nouvelles et grisantes et l’imagination créative.

Un troisième personnage de mon crû intervient auprès de la cible, le nouveau converti. Je l’ai appelé PizziCatho. C’est l’Ange gardien de ce nouveau converti que Charly doit entraîner par la tentation sur la mauvaise pente. Dans les lettres il entretient avec Screwtape une relation « confraternelle » et ils s’interpellent comme des cousins. Qui ne sait que le pizzicato est une technique particulière qui consiste à jouer d’un instrument à cordes en pinçant les cordes[x], sauf que le mot italien ne comporte pas de « h ».

L’association du sens du mot et l’addition d’un « h » n’a guère besoin d’autre explication. Ou peut-être, suffit-il d’une précision : des convictions affichées et une manière de les exprimer sur le mode de petites touches … en pizzicato !

… à suivre

PS : On trouvera aussi des réflexions diverses sur des sujets d’actualité, sur la musique, sur la littérature mais je tiens à ce fil conducteur qui est si bien formulé par la question « Et Dieu dans tout ça ? »

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Calamus

2013-02-22

 

 


[i] http://www.cslewis.org/

[ii] http://inklingsfocus.com/french.html & http://trailers.apple.com/trailers/disney/thechroniclesofnarniaprincecaspian/

[iii] The Screwtape Letters, 1942

[iv] Tactique du diable, Collection ebv, 2006

[v] Magdalen College, Oxford, le 5 juillet 1941

[vi] Le Spleen de Paris, Repris en 1864 sous le titre Petits poèmes en prose. « Le joueur généreux » n° XXIX

[vii] http://www.at-tawhid.net/article-les-origines-du-nom-du-diable-shaytan-et-de-son-surnom-ar-rajim-at-tabari-et-al-qurtubi-104450679.html

[viii] http://schoolworkhelper.net/daniel-keyes-flowers-for-algernon-summary-analysis/

[ix] Charly : J’ai trouvé ce prénom sympathique, qui est celui du personnage principal de la nouvelle de l’écrivain américain Daniel Keyses, « Des fleurs pour Algernon ». Ils ne se ressemblent que par le prénom mais les personnages n’ont rien en commun. De plus je n’ai pas retenu l’orthographe du héros du livre qui a une connotation apparentée à un journal trop bien connu dont je ne partage pas les orientations.

[x] http://www.cnrtl.fr/definition/pizzicato

 

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Calamus scriptorius

 

 

 

 

 

 

Quel nom étrange pour un blog !

Un mot d’explication s’impose.

Ce n’est pas le blog d’un latiniste ni d’un linguiste.

Le genre Calamus appartient à la famille des arécacées (palmiers). Les palmiers du genre Calamus et Daemonorops regroupent les palmiers communément appelés rotin. Le terme Calamus dérive du grec Κάλαμος = roseau, en référence aux tiges minces semblables au bambou [[1]].

… Mais on ne trouvera pas non plus dans ce blog des conseils pour le jardinage !

Quant à Scriptorius le Gaffiot traduit simplement « qui sert à écrire« .

L’association des deux mots latins répond à une définition très technique : « le calamus scriptorius est une région de l’encéphale, le sillon médian du quatrième ventricule barré transversalement par les stries médullaires ».

Calamus scriptorius (7)

Un peu moins technique cette autre définition : « Fossette angulaire du quatrième ventricule du cerveau, ressemblant à une plume taillée pour écrire ».  La description plutôt rébarbative de cette région anatomique de notre cerveau a reçu des anciens anatomistes, bons latinistes de surcroît, ce nom imagé et si l’on veut, non dénué d’une certaine poésie.

… Mais ce blog n’est pas davantage celui d’un neurochirurgien.

Contournant le vocabulaire aride et froid de l’anatomie descriptive, on pourra donc trouver une certaine ressemblance de cette région anatomique avec le calamus, le fameux roseau, le calame, dont les anciens se servaient pour écrire[2].

Le nom est aussi un renvoi nostalgique à mes années d’étude de médecine. Internet et Facebook n’existaient pas encore et le lien entre nous se faisait par l’intermédiaire d’un bulletin à la production aléatoire qui s’intitulait « Calamus scriptorius »

Voilà pour l’explication du nom de ce blog qui se veut tout en toute simplicité un « lieu d’écriture ».

2013-02-19

 

 

 

K2
… Et cette montagne – le K2 – ? Parce qu’il sera aussi un peu question d’une autre passion : la montagne.