A l’heure des JMJ à Lisbonne le journal Marianne interroge les jeunes catholiques –https://www.marianne.net/societe/laicite-et-religions/appel-a-temoignages-jeune-catholique-vous-defendez-un-retour-vers-la-tradition– à témoigner.
Témoigner ?
A propos de quoi ?
Jeunes – le créneau est limité aux 18-35 ans -, catholiques et séduits par « le retour vers la tradition » ?
Et avant de poursuivre quelques questions ou plutôt une lecture personnelle de la question posée.
Je précise que je ne fais plus partie de l’échantillonnage, ayant dépassé de quelques années la barre fatidique des 35 ans.
Cela étant, toujours catholique mais pas nécessairement « séduit par le retour vers… ».
Un cliché, un stéréotype qui – même prétendument sous forme interrogative… sans l’assurance que la question soit vraiment ouverte – prétend, enfermer les jeunes qui plus est catholiques dans un cadre que je décrirais plutôt comme une cage. Une cage comme on en montre dans les cirques et pour les présenter en toute sécurité à des spectateurs curieux.
Plus sérieusement, qu’en est-il de ce « retour vers la tradition » ?
Et d’abord, quelle tradition ? La tradition, qu’en est-il sous le regard inquisiteur de Marianne ?
… Mais il faut bien l’avouer pas seulement de Marianne.
Les JMJ, une tradition actualisée par Jean-Paul II en 1987, ont déroulé leurs cortèges de millions de jeunes dont les premiers auraient aujourd’hui entre 54 et 71 ans sur presque tous les continents.
… Une remarque : un seul manque à l’appel, l’Afrique ! Continent que tout le monde considère comme un continent d’avenir. Pourquoi ? Il faudrait peut-être aussi poser la question sur ce continent déchiré entre toutes sortes de tensions dont ne sont pas exclues les tensions religieuses… non sans préciser que le terme « religieux » devrait être mieux défini, mais c’est un autre sujet.
Revenons aux « jeunes catholiques en retour vers la tradition ».
Bien sûr associée aux JMJ 2023 à Lisbonne il ne s’agit pas de cette rencontre traditionnelle, comme d’un festival à l’instar de Woodstock où d’autres rassemblements multitudinaires.
La tradition ? Un attachement à des rites ? à des pratiques surannées ? à des habitudes ancestrales qui tout au plus devraient être mises au placard ou au musée ? Des vestiges historiques voire archéologiques !
La tradition pour un jeune catholique en 2023, à Lisbonne ou ailleurs, ce n’est rien d’autre que la fidélité, pas un attachement sentimental empreint d’un certain romantisme à un passé révolu revisité avec la nostalgie désuète de ce qui ne reviendra plus. La fidélité à un message intemporel comme il est traditionnel d’appeler celui des évangiles, un message ancien et nouveau. Jésus dans deux parabole évoque ce qui est vieux contre ce qui est nouveau, Luc 5, 36-37 : « Personne ne déchire un morceau d’un vêtement neuf pour le coudre sur un vieux vêtement. Autrement, on aura déchiré le neuf, et le morceau qui vient du neuf ne s’accordera pas avec le vieux. Et personne ne met du vin nouveau dans de vieilles outres ; autrement, le vin nouveau fera éclater les outres, il se répandra et les outres seront perdues ».
Il n’y a pas meilleure définition de la tradition. C’est un continuum sans solution de continuité qui se transmet de génération en génération. Ce que vivaient les premiers chrétiens n’est en rien différent de ce que vivent les chrétiens, les catholiques en 2023, à Lisbonne, à Hô Chi Minh Ville, à Buenos Aires, à Toronto, à Sydney ou à Kinshasa.
Je conclus par l’introduction d’une lettre.
Si l’historicité de cette lettre est discutée, elle reste d’une actualité incontestable aujourd’hui, même si elle nous est parvenue dans des circonstances rocambolesques. Elle est connue comme la « Lettre à Diognète ».
« L’histoire mouvementée de la lettre à Diognète commence en 1436 parmi les papiers d’emballage dans une poissonnerie de Constantinople ! Un jeune clerc latin achète ce document qui est une copie du XIVe siècle d’un texte daté de la fin du IIe siècle alors disparu. Après être passé de main en main, il devient à la fin du XVIIIe siècle, la propriété de la bibliothèque municipale de Strasbourg. Heureusement, la lettre a pu être recopiée plusieurs fois avant sa disparition dans un incendie par suite d’un bombardement prussien au cours de la guerre de 1870. »
Elle s’ouvre par cette introduction : « Tu veux donc savoir, illustre Diognète, quelle est la religion des chrétiens. Je te vois très préoccupé de ce désir. Tu leur demandes publiquement et avec le plus vif intérêt quel est le Dieu sur lequel ils fondent leur espoir, et quel est le culte qu’ils lui rendent ? Qui donc leur fait ainsi mépriser le monde et la mort, et leur inspire cet éloignement pour les fausses divinités des Grecs et pour les pratiques superstitieuses des Juifs ? D’où leur vient cet amour qu’ils ont les uns pour les autres ? Pourquoi ce nouveau culte, ces nouvelles mœurs n’ont-ils paru que de nos jours ? »
…/…
« Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les vêtements. Ils n’habitent pas de villes qui leur soient propres, ils ne se servent pas de quelque dialecte extraordinaire, leur genre de vie n’a rien de singulier. Ce n’est pas à l’imagination ou aux rêveries d’esprits agités que leur doctrine doit sa découverte ; ils ne se font pas, comme tant d’autres, les champions d’une doctrine humaine. Ils se répartissent dans les cités grecques et barbares suivant le lot échu à chacun ; ils se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et la manière de vivre, tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur république spirituelle. Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés. Ils s’acquittent de tous leurs devoirs de citoyens et supportent toutes les charges comme des étrangers. Toute terre étrangère leur est une patrie, et toute patrie une terre étrangère. Ils se marient comme tout le monde, ils ont des enfants, mais ils n’abandonnent pas leurs nouveau-nés. Ils partagent tous la même table, mais non la même couche. Ils sont dans la chair, mais ne vivent pas selon la chair. Ils passent leur vie sur la terre, mais sont citoyens du ciel. Ils obéissent aux lois établies et leur manière de vivre l’emporte en perfection sur les lois.
Ils aiment tous les hommes, et tous les persécutent. On les méconnaît, on les condamne ; on les tue et par là ils gagnent la vie. Ils sont pauvres et enrichissent un grand nombre. Ils manquent de tout et ils surabondent en toutes choses. On les méprise et dans ce mépris ils trouvent leur gloire. On les calomnie et ils sont justifiés. On les insulte et ils bénissent. On les outrage et ils honorent. Ne faisant que le bien, ils sont châtiés comme des scélérats. Châtiés, ils sont dans la joie comme s’ils naissaient à la vie. Les Juifs leur font la guerre comme à des étrangers ; ils sont persécutés par les Grecs et ceux qui les détestent ne sauraient dire la cause de leur haine. »
La tradition ? Ce n’est pas une vision passéiste, un repli morose sur des valeurs dépassées.
Tous ces jeunes qui se rejoignent de tous les horizons pour se retrouver ensemble autour d’un homme bien plus âgé qu’eux ne regardent pas en arrière mais ils se projettent vers un avenir qu’ils veulent construire sur des valeurs universelles, celle de leur foi catholique.
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