Mon cher Charly,
J’ai pris connaissance récemment d’un courrier que tu as reçu de notre ami, ton « cousin » comme il se plaît à t’appeler.
Je te rappelle qu’il convient de maintenir une distance prudente avec lui : tu sais bien qu’il est impossible de changer de camp.
Il a fait une sorte d’éloge funèbre, à sa façon, d’un grand chef d’orchestre. Pour l’instant sache qu’il ne s’est pas encore présenté chez nous.
En revanche je voulais te dire que nous attendons avec impatience un hôte de marque, qui a quitté sa demeure provisoire. Il tarde un peu… Je sais que dans certain cas le « premier entretien », comme ils l’appellent, se prolonge pour les cas difficiles. Je dois t’avouer que je ne comprends toujours pas pourquoi ils tergiversent, surtout quand il s’agit de certains « clients ». Celui-là nous a bien servi et nous a fait beaucoup de bien en faisant beaucoup de mal à l’ennemi.
Cet hôte de marque s’appelle François Cavanna, un monument de la mouvance libertaire. J’ai hâte de le rencontrer. Ce qui me plaît chez lui c’est son côté iconoclaste, sa verve sans fioriture, anguleuse, rocailleuse, irrespectueuse, qui a su porter la provocation au rang d’un art majeur parce qu’il faut lui reconnaître quand même un certain génie. Il avait de l’humour, même s’il avait souvent un arrière-goût de « vomi » et des relents de décharge à ordures, mais il en avait pour tout le monde et ça, ce n’était pas donné à tout le monde. Le sommet de sa réussite il le confiait à un journal qui s’embourbe quotidiennement dans un intellectualisme petit bourgeois, ce qu’il détestait le plus. « On admire Hara Kiri comme une glorieuse réussite. Or même au temps de sa grande diffusion, il était haï à l’unanimité, par la presse et les artistes. On était un journal vulgaire. On nous reprochait notre mauvais goût. On était une réunion de bandits, d’individus à la marge, de révoltés. » [1]
Au fond il avait bien raison de s’en prendre à certains journalistes « créateurs d’opinion », faiseurs de rois autant que destructeurs de réputation, propagateurs de contre-vérités. Mais ce n’est pas à toi ni à moi de prendre le contre-pied de ceux qui travaillent pour notre camp, quelle que soient leur motivation. Nous savons bien qu’ils ne croient ni à Dieu ni à diable, leur cri de guerre est « Ni Dieu, ni maître »… Un jour ils comprendront … quand ce sera trop tard !
En attendant regarde, écoute et informe-toi. Il y a du grain à moudre chez les créatures et ce n’est pas le moment de prendre des vacances.
Des informateurs me disent que le feu couve en Fhollandia. C’est bon pour nous. A toi de mettre à profit cette excellente conjoncture.
Tu as droit à ma « bénédiction griffue ».
2014-02-03
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