D’année en année le message Urbi et Orbi du pape, – … à la ville de Rome et au monde -, à l’occasion de Noël nous emmène « en voyage ».
Non, le Pape n’est pas à la tête d’une nouvelle agence de voyages !
Il nous conduit sur le parcours douloureux des pays où Noël n’a pas partout la même signification.
Depuis des semaines les vitrines, les rues des villes et des villages, s’illuminent, en dépit des possibles restrictions qui s’imposent dans cette période de pénurie énergétique réelle ou potentielle.
L’Ukraine en conflit avec la Russie, le Moyen-Orient : la Terre Sainte, le Liban, la Syrie, et aussi l’Afghanistan, la Corne de l’Afrique, … Et j’ajoute Artsakh dans le Haut-Karabakh où 120 000 Arméniens luttent pour leur survie et celle de quelques 30 000 de leurs enfants.
Plus de deux cents intellectuels , des écrivains, des artistes, des personnalités du monde de la culture se mobilisent en signant un appel à leur intention et pour sensibiliser le reste du monde face au risque d’une épuration ethnique qui se profile.
Et pendant ce temps Noël nous a rappelé, première lecture de la Messe de minuit : « Oui, un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! Sur son épaule est le signe du pouvoir ; son nom est proclamé : « Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix ».
Ce verset est extrait du livre d’Isaïe (9, 5). Il s’inscrit dans le contexte de l’histoire : la montée en puissance de l’Assyrie au VIIIe siècle avant Jésus-Christ. En 1947, parmi les manuscrits de la mer Morte, à Qumran, seul le Livre d’Isaïe a été retrouvé dans son intégralité sous la forme d’un manuscrit du IIe siècle av. J.-C. : le Grand Rouleau d’Isaïe.
Sans entrer dans le détail il est aussi interprété comme la prophétie qui annonce l’évènement que nous venons de célébrer le 25 décembre.
Est-il facile ? Pure rhétorique ? Étalage d’une science que je ne maîtrise pas, l’exégèse ? … d’écrire ces quelques mots entre deux dates emblématiques ?
Rien de tout cela. Tous simplement l’occasion d’un constat devant l’histoire qui déroule son imperturbable chronologie d’année en année, de siècle en siècle.
Je laisse aux historiens le soin de lire et d’écrire l’histoire avec leur méthode qui est celle d’une science.
Pour ma part en 2022 j’observe que si les circonstances d’aujourd’hui ne s’inscrivent pas comme nous renvoyant par un flash-back sur un scénario écrit d’avance, ni comme la réalisation d’une prophétie qui se répèterait avec l’insistance d’un rappel à l’ordre pour nous dire que nous sommes sourds, Noël est toujours un message, le même message, le seul message.
« Vous avez le droit d’exiger qu’on vous montre la Crèche. La voici.La Vierge est pâle et elle regarde l’enfant. Ce qu’il faudrait peindre sur son visage, c’est un émerveillement anxieux, qui n’apparut qu’une seule fois sur une figure humaine, car le Christ est son enfant, la chair de sa chair et le fruit de ses entrailles. Elle l’a porté neuf mois. …
Et Joseph. Joseph ? Je ne le peindrais pas. Je ne montrerais qu’une ombre au fond de la grange et aux yeux brillants, car je ne sais que dire de Joseph. Et Joseph ne sait que dire de lui-même. Il adore et il est heureux d’adorer. »
Non je n’ai pas composé moi-même ces quelques lignes. Nous sommes en 1940, dans un camp de prisonniers français en Allemagne. Des prêtres prisonniers demandent à un autre prisonnier qui partage avec eux la condition de la détention dans ce camp, de rédiger un petit texte, (une méditation ?) pour la veillée de Noël. Cet autre prisonnier s’appelle Jean Paul Sartre…
Ce texte est dérangeant pour les amis de Jean Paul Sartre. Simone de Beauvoir réfutera avec vigueur l’origine de ce texte. Mais l’auteur lui-même confirmera en être l’auteur en rédigeant en 1962 la note suivante : « Si j’ai pris mon sujet dans la mythologie du Christianisme, cela ne signifie pas que la direction de ma pensée ait changé, fût-ce un moment pendant la captivité. Il s’agissait simplement, d’accord avec les prêtres prisonniers, de trouver un sujet qui pût réaliser, ce soir de Noël, l’union la plus large des chrétiens et des incroyants ».
1223, nous sommes cette fois à Greccio, une ville d’Italie avec saint François d’Assise. Il dit à l’un de ses amis, qui avait mis à la disposition des frères une grotte dans la montagne : « Je veux célébrer Noël avec toi, cette année, dans la grotte. Tu y installeras une mangeoire pleine de foin. Fais venir un bœuf et un âne. Il faut que cela ressemble à la crèche où est né Jésus ». C’est l’histoire de cette tradition.
https://www.jaimemonpatrimoine.fr/fr/module/81/1208/la-creche
« Et tous allaient se faire recenser, chacun dans sa ville. Joseph aussi monta de Galilée, de la ville de Nazareth vers la Judée, vers la ville de David qui s’appelle Bethléem parce qu’il était de la maison et de la famille de David pour se faire inscrire avec Marie, sa fiancée, qui était enceinte. Or, comme ils étaient là, furent accomplis les jours où elle devait enfanter. Et elle mit au monde son fils, le premier-né et elle l’emmaillota et le coucha dans une mangeoire parce qu’il n’y avait pas de place pour eux dans l’hôtellerie. » Luc 2, 3-7
Je reprends juste quelques extraits de ce qui se passe, par exemple loin d’ici – cf. https://missionsetrangeres.com/eglises-asie/a-quang-tri-les-villageois-de-lethnie-van-kieu-confrontes-aux-autorites-avant-noel/.
« Nous sommes dans un district rural de la province de Quang Tri au Viêt Nam. Les paroissiens de l’ethnie Van Kieu célèbrent la Nativité malgré les restrictions des autorités locales, qui interdisent les crèches et les décorations de Noël aux villageois indigènes des environs.
Selon les habitants, les autorités locales les forcent à rester fidèles à l’ancien président Hô Chi Minh, fondateur du Parti communiste vietnamien. Dans le passé, on leur a même demandé d’accrocher son portrait chez eux. En 2019, une famille de villageois a décidé malgré tout de faire une crèche et d’accrocher une lanterne en forme d’étoile devant chez eux. Toutefois, de retour de la veillée de Noël où ils s’étaient rendus dans l’église de Ba Long, située à 15 km de chez eux, ils ont retrouvé la crèche détruite. »
Des faits qui, bien que se déroulant loin de chez nous, ne sont pas sans rappeler une bataille d’un autre âge que nous connaissons parfois aussi en France : la « bataille culturelle » des crèches ?
Peut-on se limiter à réduire la crèche à un symbole, à un « fait culturel », une « tradition culturelle » comme une autre…
Si ce « trait culturel » a franchi les frontières et s’est inscrit dans d’autres cultures… sans les défigurer, c’est qu’il n’est pas seulement un « trait culturel ».
La crèche plonge ses racines dans un évènement de l’histoire qui est, sans doute, devenu un symbole que certains voudraient exclure au nom d’une vision étroite de la laïcité. Dans sa simplicité elle exprime sa propre histoire, celle d’un évènement qui s’est déroulé dans l’anonymat le plus total il y a 2000 ans mais qui, comme tant d’autres, ne serait resté que comme une date, noyée dans le cours des évènements de l’histoire s’il n’était autre chose qu’un « symbole ».
Pourquoi cet évènement reste-t-il un marqueur pour ceux qui le célèbrent comme pour ceux qui veulent le faire oublier…
Pour ceux qui de temps à autre ouvrent une bible, ils liront dans le prologue de l’Évangile de saint Jean ce verset : « Et le Verbe s’est fait chair… » Jean 1, 14.
Toute la foi catholique tient dans le texte du Credo et ce verset en est comme le cœur qui conditionne toute la suite jusqu’à « il est ressuscité des morts ».
Alors un symbole ? Oui c’est ainsi qu’on appelle aussi le Credo : le Symbole des apôtres.
« Dès le commencement, mon Église a été ce qu’elle est encore, ce qu’elle sera jusqu’au dernier jour, le scandale des esprits forts, la déception des esprits faibles, l’épreuve et la consolation des âmes intérieures, qui n’y cherchent que moi. Oui, frère Martin, qui m’y cherche m’y trouve, mais il faut m’y trouver, et j’y suis mieux caché qu’on le pense, ou que certains de mes prêtres prétendent vous le faire croire – plus difficile encore à découvrir que dans la petite étable de Bethléem, pour ceux qui ne vont pas humblement vers moi, derrière les Mages et les Bergers.Car c’est vrai qu’on m’a construit des palais, avec des galeries et des péristyles sans nombre, magnifiquement éclairés jour et nuit, peuplés de gardes et de sentinelles, mais pour me trouver là, comme sur la vieille route de Judée, ensevelie sous la neige, le plus malin n’a encore qu’à me demander ce qui lui est seulement nécessaire : une étoile et un cœur pur. »« Martin Luther », 1943, Georges Bernanos
Joyeux Noël et avec mes souhaits d’une nouvelle et belle année 2023.
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