l’Annonciation, huile sur toile 2,67 x 1,85 m, Francisco de Zurbarán – Musée des Beaux-Arts de Grenoble.
Cette œuvre fait partie d’un ensemble de peintures exécutées par Zurbarán pour la Chartreuse de Jerez de la Frontera près de Cadix. A l’origine, elles composaient un grand retable, démembré en 1837. Quatre d’entre elles appartiennent au musée de Grenoble, la dernière est conservée au Metropolitan Museum de New York.
Francisco de Zurbarán (1598-1664), au sens figuré, est, dans la peinture, un moine soldat. Né dans une petite localité d’Estrémadure entre Madrid et Lisbonne, fils d’un marchand aisé, Zurbarán, entré dès l’âge de seize ans dans l’atelier d’un peintre oublié, devra une large part de son succès, dès le début de sa carrière, aux commandes des couvents de Séville, alors l’une des grandes villes d’une Espagne prédominante en Europe et largement ouverte sur le Nouveau Monde. Appelé en 1634 à la cour où règne alors Philippe IV il sera amené à traiter des sujets mythologiques ou historiques qui ne sont pas au plus haut de son œuvre, mais où, en même temps, il approfondit sa connaissance de la peinture de la Renaissance et du baroque européen. En fait, Zurbarán est pour l’essentiel un peintre de sujets religieux. Sans doute assez pieux lui-même, il ne fait que se conformer à l’esprit du temps et du concile de Trente, qui a fermement invité les artistes à faire vivre les saintes écritures, la vie et la mort du Christ, les scènes de la vie des saints. Singulier programme, puisqu’en faisant entrer le Christ dans les auberges, selon les mots du Caravage, on faisait entrer aussi et sans le vouloir, les hommes bien réels des auberges dans l’Église.
Des figures d’une profonde humanité
C’est dans ce registre que Zurbarán excelle, aussi bien en donnant à ses figures une profonde humanité qu’en exaltant les démarches les plus ascétiques. Sa Vierge à Nazareth de 1645, par exemple, pose sur le Christ enfant, qui vient de se piquer au doigt avec une épine, un regard empreint de la secrète douleur d’une mère qui pressent son destin. Mais c’est dans les figures de saint François d’Assise et celles de ses moines en robes de bure, dans un dépouillement extrême, que Zurbarán va atteindre aux sommets de la peinture, par la géométrisation des formes, l’absence de décor et d’anecdote, ses harmonies sombres de brun et de beige. Picasso s’en souviendra qui reprendra une de ses peintures dans sa période cubiste. Une crucifixion remarquable met un peintre au pied de la croix. Elle est d’un minimalisme stupéfiant, le corps du Christ s’inscrivant sur un fond sombre uni. Rien d’autre là que l’essentiel, comme avec un petit tableau bien connu de tous les admirateurs de Zurbarán: un verre d’eau sur une coupe en argent et une fleur.
L’Annonciation, 1638 – 1639
Zurbarán est avec Velăsquez et Murillo le plus grand peintre espagnol du Siècle d’or. Ce tableau, ainsi que les trois autres, provient du grand retable de la Chartreuse de Jerez de la Frontera démembré en 1837. Acquises par le Général de Beylié en 1904, les quatre toiles furent aussitôt offertes au musée.
Cette Annonciation triomphale associe les exigences de lisibilité de l’œuvre aux consignes des exégètes de la Contre-Réforme. La répartition à gauche et à droite de la Vierge et de l’Ange est relayée par les verticales des colonnes qui unissent le ciel et la terre. Cette disposition donne à la composition un aspect puissamment frontal. L’alternance de zones sombres et claires, l’insertion peu vraisemblable du paysage au deuxième plan confèrent au décor un aspect théâtral marqué.
Zurbarán refuse la surcharge décorative maniériste. Il prend soin d’isoler les objets qui acquièrent ainsi une présence monumentale inaccoutumée. La valeur symbolique des natures mortes, lys, linge blanc, livre, s’accompagne d’une aura méditative soulignée par l’attitude grave et recueillie des personnages. Ceux-ci, idéalisés sans mièvrerie, font face au spectateur et le prennent à témoin de l’accomplissement de la volonté divine. La couleur modulée par la lumière donne un relief puissant aux éléments du registre inférieur. Le traitement du ciel et des anges est d’une facture plus moelleuse et diffuse. Cette œuvre, probablement la dernière réalisée pour le retable, montre la disponibilité de Zurbarán aux influences italianisantes.
Histoire des oeuvres de Zurbarán du musée de Grenoble :
Lorsque les Français ont occupé la région en 1810, la chartreuse a servi de cantonnement de troupes et a été sévèrement endommagée. Les chartreux ont été obligés de s’enfuir à Cadix et à leur retour ont pu réparer en partie les dégâts. Avec le désamortissement de Mendizabal, les œuvres de Zurbarán sont expropriées. La plupart se trouvent au musée de Cadix (L’Apothéose de saint Bruno et quatre petites toiles représentant les Évangélistes, Saint Laurent et Saint Jean-Baptiste), d’autres sont au Metropolitan Museum of Art de New York (La Bataille de Xérès), et au musée de Grenoble en France (L’Annonciation, La Circoncision, L’Adoration des bergers et L’Adoration des rois mages), ainsi qu’au musée de Poznan en Pologne (La Vierge du Rosaire)
http://www.museedegrenoble.fr/1723-xiie-xvie-siecle.htm
Remarque : la biographie de F. de Zurbarán a été publiée dans le journal l’Humanité le 04.02.2014 à l’occasion d’un exposition que le Palais des beaux-arts de Bruxelles a consacrée au maître espagnol du XVIIe siècle en 2014, la première grande exposition depuis vingt-cinq ans.
J’ai seulement apporté quelques très légères modifications de style mais je souscris sans réserve… non sans préciser que par conviction je ne participe pas de la ligne éditoriale de l’Humanité !
Commentaires récents