Bon anniversaire !

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Il y a toutes sortes de prophètes :

  • Ceux qui « inspirés par Dieu, parlent en son nom pour faire connaître ses volontés… ». Ils sont bien peu nombreux.
  • Les « faux prophètes » plutôt conduits par leur propres « démons »  et « qui induisent le peuple en erreur ».
  • Les « prophètes de malheur « qui prédisent des choses funestes et désagréables ».
  • Ceux  qui jouent au « personnage important qui annonce l’avenir par voie de conjecture ». Ce sont des « prophètes qui n’y croient pas trop mais qui réagissent face à un événement d’envergure historique comme s’ils étaient mandatés par une inspiration et « qui annoncent des événements à venir (en général) ». Ces derniers ont une certaine propension à prendre leurs désirs pour la réalité même s’ils sont conscients (on peut l’espérer) que la réalité sera vraisemblablement distincte. Généralement ils reviennent a posteriori sur leurs « prophéties » pour les justifier… Ils ont toujours eu raison avant tout le monde.

Bon anniversaire ?

Rappelez-vous, il y a un an «l’entre-deux-papes » laissait les médias, et aussi à vrai dire tout le monde, abasourdis par la renonciation inédite de Benoît XVI.

Des « prophètes » se sont tout d’un coup levés en foule … Je voudrais revenir sur certaines de ces prophéties rédigées d’ailleurs sur le mode d’une aspiration véhémente au changement.

Je prends le risque de me répéter mais tant pis[1] avec le recul d’un an les propos restent toujours emblématiques de « la névrose obsessionnelle anti papale » qui sévit dans certains médias. Ainsi pouvait-on lire sous la griffe de Solange Bied-Charreton[2] les souhaits suivants, le pape qu’elle appelait de ses vœux (je doute quand même de la sincérité de ses « vœux » d’un nouveau pape !) : « Que le nouveau pape soit différent des autres. Nous voudrions d’un pape qui soit à notre image. Nous voudrions d’un pape à la portée de tous. Un pape si possible moins ancré dans le passé. Un pape assez ouvert pour discuter avec nous, par messagerie instantanée. Un pape pour régler tous nos problèmes de couple. Un pape trendy, qui laisserait un peu la théologie de côté. Un pape qui transforme les églises en espaces de prière et les confessionnaux en espaces détente. Un pape qui se la coule douce. Un pape de tolérance, un pape de résistance. Un pape que tu peux appeler quand  t’as pas le moral. Un pape jeune et fort. Un pape grand et beau. Une image positive, c’est mieux pour faire passer le message. Un pape pas toujours habillé pareil. Un pape qui se prend pas la tête. Ou, mieux, un pape vintage, un pape dans son jus. Un pape customisé, en vitrine. Un pape souriant sur une affiche dans ma cuisine, Un pape qui réinvente, un pape qui redécouvre, un pape qui revisite un peu le modèle papal. Un pape en papier peint, ambiance vide-grenier, qu’on achète d’occasion. Le pape est le meilleur ami de l’homme. »

         Et de poursuivre sur le même ton faussement décalé : « Un pape old school, qui tient la porte aux dames, envoie des bouquets de fleurs, n’a toujours pas de portable. Comment, en 2013, est-ce Dieu possible ? Un pape de galanterie, qui vouvoie tout le monde. Qui écoute Jean-Sébastien Bach et qui reçoit des fax. Un pape qui ne regarde vraiment pas vers l’avenir. Un pape en retard. Je veux un pape contre qui se révolter. Je veux un pape qu’on puisse tous détester avec la même énergie. Je réclame un pape contre qui faire des manifs. Un pape avec un nom qui sonne bien dans les slogans. Je veux pouvoir casser du pape. Comment existerais-je si je ne puis contester le monde ancien, m’affirmer sans avoir à détruire des siècles et des siècles d’histoire ? Je ne voudrais pas mourir avant d’avoir pourri tous les hommes du passé, leurs idées courtes et leurs pratiques obscures, leurs modes de vie sans hygiène, leur patois, leurs quolibets douteux et leurs jeux de mots nationalistes, leur sexisme insoutenable, leur cruelle sauvagerie. Je voudrais exister tant que je peux, et on ne m’a pas appris à le faire autrement. Alors j’aimerais autant que l’ennemi soit identifiable, merci d’avance. »

Oui, je sais c’est plus qu’une citation, c’est carrément de l’usurpation, du pillage. Ma foi tant pis, il vaut le coup de relire cette prose épicée un an après quand un nouveau pape est installé et qu’il a conquis la planète, même les plus réfractaires (enfin pas tout à fait quand même).

Au moins sur un point elle doit être satisfaite : « J’aimerais que l’ennemi soit identifiable ! »

Quant à moi j’avais aussi émis des vœux. Je voulais un pape, et je le voulais vraiment de toutes mes forces. Alors je l’ai aussi imaginé[3].

…/…

Un an plus tard.

La « force tranquille » : telle est « l’image » qui me vient à l’esprit, qui a été popularisée par un autre François, mais « toute ressemblance avec des personnages ou des situations existant ou ayant existé ne saurait être que fortuite ».

Les « prophètes », les « sibylles », les « pythies » se sont encore exprimés, mais cette fois pour évaluer le bilan à un an. C’est la coutume de dresser le bilan à échéance des grands responsables comme des institutions.

Il varie selon l’angle de vue, la lumière portée, l’état de l’âme …

Trop de points à commenter dans cette profusion d’articles … Je me limiterai à relever les principaux qui ont « accroché » mon attention avec une grille librement établie au fil des lectures.

Alors, François, le pape premier du nom ?

  • « Par ses gestes, ses phrases-chocs, sa décontraction et des priorités plutôt consensuelles – attention aux pauvres, miséricorde, ouverture de l’Église sur les « périphéries » –, le nouvel élu, François, l’a éclipsé (le pape devenu émérite, Benoît XVI), attirant sur l’Église catholique une lumière dont elle n’avait pas bénéficié depuis des années. Le style, rigide et ampoulé, de Benoît XVI, sa vision du monde et de l’Église, sombre et alarmiste, ses écrits, complexes, ses expressions malheureuses, avaient fini par rendre son message inaudible, incompris, voire rejeté par une partie des catholiques. L’Église a visiblement trouvé avec François un messager plus convaincant, une « autorité morale » qui parle aussi aux non-croyants »[4].

Ce style convenu qui accumule brut de décoffrage les habituels griefs faits à Benoît XVI dont on n’a probablement pas lu -ou en tout cas jamais dans leur intégralité- les écrits d’une richesse incomparable sur les sujets les plus actuels, avec une lucidité inégalée, ne doit cependant pas impressionner. Il ne faudrait pas se laisser abuser par un ton soudain faussement bienveillant qui passe par un filtre calibré dont on aimerait connaître l’étalonnage. Je ne sais pas si la journaliste signataire a déjà entendu parler d’une parabole bien connue, celle du semeur qui décrit cet homme parti pour semer sa semence et les différents terrains qui reçoivent la semence[5]. Et j’attire son attention sur le verset 13.

  • « Le retentissement de ses prises de parole brouille la perspective. Comme si Benoît XVI avait emporté dans sa retraite des années de discours de l’Église ; et comme si François reprenait les choses de zéro. Une plongée dans les textes des deux hommes prouve que tel n’est pas vraiment le cas. Car François, faut-il le rappeler, fait sienne l’entièreté des enseignements de l’Église. »

Je m’étonne que l’on s’étonne de cette fidélité à un enseignement toujours confirmé, qui suit le droit fil du message de celui dont il est le vicaire. A ce propos me viennent à l’esprit ces quelques lignes tirées de « Paroles » : « Le pape est mort, un nouveau pape est appelé à régner. Araignée ! Quel drôle de nom ! Pourquoi pas libellule ou papillon ? » L’iconoclaste de service, Jacques Prévert, n’aurait pas renié cette façon de présenter la succession.

Dans un autre article c’est le même étonnement :

  • « Mais il ne faut pas s’y tromper : si François révolutionne nombre d’habitudes vaticanes, tout, chez ce pape, n’est pas révolutionnaire. Sa doctrine globale est identique à celle de ses prédécesseurs, qu’il s’agisse de la morale sexuelle, du célibat des prêtres, de la place de la femme, des questions éthiques et bioéthiques… Il a, par exemple, récemment défendu l’idée d’un « statut juridique pour l’embryon ». « S’il est vrai qu’il a changé la façon de faire le pape, il ne changera pas les contenus », confirme le cardinal allemand Walter Kasper… »[6]

Mais enfin est-ce-que l’Église a encore le droit d’être l’Église ? A-t-elle le droit d’avoir une parole (et aussi la parole) ?

  • Parmi les sujets les plus récurrents sur lesquels tous les médias insistent pesamment, faut-il le préciser, se trouvent ceux qui concernent l’éthique avec un regard plutôt appuyé sur tout ce qui concerne la sexualité. J’ose à peine parler de « sexe » car c’est en fait sous cet angle, exclusivement anatomique, que les choses sont le plus souvent présentées. On entasse en vrac sur un mode apparemment consensuel les « questions éthiques » et suit le catalogue bien connu « des questions liées à l’avortement, au mariage homosexuel ou à l’utilisation des méthodes contraceptives »[7].

Et de relever dans la foulée la réponse du pape François : « Il s’agit d’une question qui regarde la cohérence interne de notre message, on ne doit pas s’attendre à ce que l’Église change de position sur cette question ». Alors sans doute on se satisfait qu’il ait opté pour une attitude qui est interprétée en rupture avec les discours antérieurs : ne pas parler en permanence de ces sujets. Comme si ce choix sous-entendait comme un début de changement vers une plus grande « souplesse » dans la position morale de l’Église sur ces mêmes sujets.

            « Je n’ai pas beaucoup parlé de ces choses [l’avortement, le mariage homosexuel, les méthodes contraceptives] et on me l’a reproché. Mais lorsqu’on en parle, il faut en parler dans un contexte. La pensée de l’Église nous la connaissons et je suis fils de l’Église, mais il n’est pas nécessaire d’en parler en permanence. »[8][9].

Et en introduction du même paragraphe il disait : « Nous ne pouvons pas seulement prendre position sur ces questions. »

Un grand chantier est en cours sur toutes ces questions : il est urgent d’attendre !

Comme quoi ce pape n’est pas si facile à saisir et, s’il en a une, sa « tactique » en surprendra plus d’un.

Dans l’entretien qu’il a accordé A. Spadaro s.j. directeur de La Civiltà Cattolica,  le pape François dessine le profil de ce que la revue Etudes intitule « Un nouveau style d’Église »[10]

On peut lire ces quelques perles qui permettent de discerner ce nouveau style :

  • « Nous ne devons pas réduire le sein de l’Église universelle à un nid protecteur de notre médiocrité. »
  • Et d’expliciter d’où lui vient cette conviction presque en introduction répondant à la question « Que signifie pour un jésuite d’être élu Pape ? » « J’ai toujours été frappé par la maxime décrivant la vision d’Ignace : « Non coerceri a maximo, sed contineri a minimo divinum est ». J’ai beaucoup réfléchi sur cette phrase pour l’exercice du gouvernement en tant que supérieur : ne pas être limité par l’espace le plus grand, mais être en mesure de demeurer dans l’espace le plus limité. Cette vertu du grand et du petit, c’est ce que j’appelle la magnanimité. A partir de l’espace où nous sommes, elle nous fait toujours regarder l’horizon. C’est faire les petites choses de tous les jours avec un cœur grand ouvert à Dieu et aux autres. C’est valoriser les petites choses à l’intérieur de grands horizons, ceux du Royaume de Dieu ».
  • Sur un sujet qui focalise artificiellement toutes les crispations, l’homosexualité : « les journalistes ont beaucoup parlé du coup de téléphone que j’ai donné à un jeune homme qui m’avait écrit une lettre. Je l’ai fait parce que sa lettre était si belle, si simple. Lui téléphoner a été pour moi un acte de fécondité. Je me suis rendu compte que c’est un jeune qui est en train de grandir, qui a reconnu un père…»
  •  L’Église : « Je la vois comme un hôpital de campagne après une bataille. … Nous devons soigner les blessures » … mais en évitant deux écueils « … être trop rigide ou trop laxiste ».
  • Les pasteurs : « Les ministres de l’Évangile doivent être des personnes capables de réchauffer le cœur des personnes, de dialoguer et cheminer avec elles, de descendre dans leur nuit, dans leur obscurité, sans se perdre. » Et un peu plus loin « Les enseignements, tant dogmatiques que moraux, ne sont pas tous équivalents. Une pastorale missionnaire n’est pas obsédée par la transmission désarticulée d’une multitude de doctrines à imposer avec insistance ».
  • Une théologie approfondie « du féminin » … et non « au féminin » : « Je crains la solution du “machisme en jupe” car la femme a une structure différente de l’homme. Les discours que j’entends sur le rôle des femmes sont souvent inspirés par une idéologie machiste ».
  • L’enseignement doctrinal de l’Église : « Dieu s’est révélé comme histoire, non pas comme une collection de vérités abstraites. » Et quand il est question du langage de l’Église face aux défis de la société contemporaine et que beaucoup considèrent comme « décalé » voire « déphasé » : « Il est erroné de voir la doctrine de l’Église comme un « monolithe » qu’il faudrait défendre sans nuances ».
  • Et pour terminer sur une note très personnelle : « Je prie l’Office chaque matin. J’aime prier avec les psaumes. Je célèbre ensuite la messe. Et je prie le rosaire. Ce que je préfère vraiment, c’est l’Adoration du soir, même quand je suis distrait, que je pense à autre chose, voire quand je sommeille dans ma prière. Entre sept et huit heures du soir, je me tiens devant le saint sacrement pour une heure d’adoration. Mais je prie aussi mentalement quand j’attends chez le dentiste ou à d’autres moments de la journée ».

PizziCatho

 


[2] Solange Bied-Charreton, née à Paris en 1982. Elle a tenu un blog de critique littéraire et de billets d’humeur pendant cinq ans.

[5] Matthieu, 13, 1-23

[7] Ibidem