Pape François.3

 

 

 

 

 

 

 

Mon cher cousin,

Vous êtes restés curieusement bien silencieux depuis l’élection du pape François. Je ne suis pas trop surpris de ton silence et de celui de ton mentor… Il doit être quelque peu sidéré par les évènements qui se sont déroulés ces derniers jours. Il faut se faire une raison : maintenant que nous voilà entrés dans une nouvelle étape, je suis bien certain que, de votre côté, vous affûtez les flèches et que vous étudiez la cible afin de l’attaquer dans l’angle qui vous semblera le plus vulnérable.

Une chose déjà est certaine, plus rapides que Lucky-Luke qui tire plus vite que son ombre, les médias ont déjà pointé l’artillerie lourde et armé quelques exocets. Dommage pour eux mais leur objectif n’est que l’ombre portée par l’éclairage blafard de leur vision étriquée du monde en général, et de l’Église en particulier, telle qu’elle devrait être selon eux dans le monde qu’ils imaginent. Ils passent à côté de la réalité.

Quant à moi sois certain que l’une des premières visites que j’ai faites après l’élection du nouveau pape François, a été pour ces médias. Je dois bien avouer que c’est passionnant, même si le plus souvent les bras m’en tombent de constater à quel point les vues sont courtes et réductrices dans la plupart des commentaires, quand elles ne sont pas à côté de la plaque.

On pouvait s’attendre à ce que soient lancés les habituels rappels sur les sujets récurrents … « il devra prendre des décisions sur …  le mariage des prêtres et l’ordination d’hommes mariés, l’admission des femmes au sacerdoce ministériel, l’accès des personnes « divorcées–remariées » aux sacrements[1], l’abandon de la position morale de l’Église sur l’avortement… » Un peu comme si, sait-on jamais, le nouveau pape pouvait oublier une chose : « il est d’abord et avant tout le chef de l’Église catholique, le vicaire du Christ. Mais, et s’il s’intéressait en priorité à « ces » questions …  In fine… et s’il pouvait donner une orientation différente à l’Église, être moins catholique ! »

Sans doute n’ai-je pas lu ces formulations écrites mais il n’est pas difficile de les voir pointer derrière des allusions à peine esquissées mais qui en disent déjà long.

A titre d’exemple ces perles tirées d’une interview[2] : « Il faut regarder d’un peu plus près la théologie du cardinal Bergoglio. … Ses positionnements sont plutôt ceux d’un conservateur qui souhaite maintenir l’ordre social moral. … Lorsqu’il était provincial jésuite d’Argentine il n’a pas soutenu la théologie de la libération…. Le problème de l’Église, c’est sa relation à la modernité. …C’est tout le paradoxe d’une institution écartelée entre une autorité de pouvoir et un message d’amour qui s’appuie sur l’Évangile. » 

A lire ces déclarations je me pose sérieusement une question : l’Église peut-elle se faire entendre comme ce qu’elle est par des personnes qui construisent le monde dans leur tête. Avant l’élection les mêmes         « faiseurs de rois » supputaient les chances de tel ou tel et ne manquaient pas de rappeler, à l’occasion, que le centre de gravité de l’Eglise n’était plus en Europe et qu’un pape venu d’un autre continent serait sans doute un signe d’ouverture, une manifestation de reconnaissance d’une réalité. Mais, pour ce qui est de l’Amérique latine, il faut bien avouer que les idées allaient dans une direction moins orthodoxe. C’est là que s’est développée la théologie de la libération ou en tout cas certaines de ses expressions les plus radicales. Un pape venu de ce sous-continent ? … Mais surtout, qui soit en phase avec cette théologie. Au fond, personne n’y croyait vraiment, personne n’imaginait cette audace des cardinaux et il n’a pas fallu bien longtemps pour se rendre compte que le pape François était et n’était pas celui qu’ils attendaient. Il plait dans la simplicité de sa personne et de sa vie. Il plait moins quand il se prononce sur les sujets qui sont dans la norme pour un pape qui est quand même le vicaire du Christ, le chef de l’Eglise catholique.

Mais de tout cela nous aurons l’occasion de reparler en détail, nous ne sommes qu’aux prémices d’un pontificat qui se présente sous un jour passionnant dans une attente sereine et pleine d’espérance.

Les « grands » de ce monde, … ceux qui sont tenus pour tels, se sont crus dans l’obligation de donner leur sentiment. C’est plutôt sympathique de leur part et atteste, pour le moins, qu’à défaut de prendre en compte la vraie signification de cette élection et du choix de l’élu, ils le considèrent comme un des leurs, une personne avec qui il faudra compter.

Je ne vais pas te faire une revue de presse complète de ces pages d’anthologie de haute voltige diplomatique[3], mais je vais quand même te donner un aperçu ce que j’en ai pensé à travers la « lettre ouverte » que, par un intermédiaire de mes protégés que j’ai dans ce pays, j’ai adressée au Président de Fhollandia[4].

François Hollande en St François            Monsieur le Président de la République,                                        

Après avoir pris connaissance du message[5] de bienvenue que vous avez adressé au nouveau pape François, vous me saurez gré de vous faire part de ma reconnaissance pour les vœux chaleureux que vous avez formulés, au nom de tous les citoyens que vous représentez.

Il va sans dire qu’à titre plus personnel, je m’associe tout particulièrement à ces vœux qui répondent point par point à ce qu’un fidèle catholique souhaiterait exprimer lui-même en ces circonstances, s’il avait la possibilité de le faire.

Je note que vous avez souligné la « haute mission » confiée au nouveau pape « à la tête de l’Église  catholique ».

Il est vrai que toute personne appelée aujourd’hui à assumer une charge à la tête d’un État, d’une Institution civile ou religieuse, ne peut éluder la responsabilité qui lui incombe de faire face en son âme et conscience « aux défis du monde contemporain ».

Sans énumérer explicitement quels sont ces défis, la suite de votre message en donne une certaine idée.

Vous rappelez que le pays à la tête duquel les électeurs vous ont porté, est l’héritier d’une histoire et que cette histoire multiséculaire a inscrit dans ses principes les valeurs universelles de « liberté, d’égalité et de fraternité ».  Ces principes, assurez-vous, sont les fondements de l’action que vous entendez développer dans le monde et qu’ils devront être au service du « dialogue » que ce pays a toujours « entretenu avec le Saint-Siège ». Qu’il me soit permis d’ajouter que ces principes ne sont pas seulement écrits au fronton de tous les édifices publics mais qu’ils le sont d’abord dans le cœur de toute personne.

Vous concluez en précisant que ce dialogue doit servir « la paix, la solidarité et la dignité de l’homme »

Vous voudrez me permettre de m’arrêter sur cette dernière expression, remarquable entre toutes, de votre message.

La « dignité humaine » !

Depuis que vous êtes entré en fonction vous avez, comme vous en donne le droit en vertu du suffrage universel, mis en œuvre des actions concrètes en vue de réaliser les objectifs que vous vous étiez fixés et qui constituaient votre programme électoral.

Depuis plusieurs semaines l’Assemblée Nationale débat dans un climat particulièrement tendu, heurté et non dénué d’une certaine violence verbale et psychologique, autour de votre projet de promouvoir par la loi le mariage entre personnes de même sexe qui était l’une de vos propositions phare inscrite dans votre programme.

Pourrez-vous encore prétendre entretenir un dialogue cohérent avec le pape François qui s’est exprimé sans ambiguïté sur le sujet : « Ce qui est en jeu c’est l’identité et la survie de la famille : père, mère et enfants. C’est la vie de tant d’enfants qui seront discriminés d’emblée car ils seront privés du fait de mûrir entre leur père et leur mère, tel que Dieu l’a voulu . Ce qui est en jeu, c’est un rejet frontal de la loi de Dieu, qui plus est gravée en nos cœurs. Ne soyons pas naïfs : il ne s’agit pas d’une simple lutte politique, mais d’une tentative de destruction du plan de Dieu. Il ne s’agit pas d’un simple projet de loi (ce n’est là que l’instrument) mais d’une poussée du père du mensonge qui entend confondre et tromper les enfants de Dieu. » (8 juillet 2010)»

Il ne s’agit pas de mettre en balance deux conceptions distinctes et, selon vous, respectables sous le même rapport, mais de confronter ces mêmes conceptions à la réalité qui est inscrite dans la nature de l’homme. Vous ne pouvez pas prétendre respecter la dignité de l’homme dès lors que vous décrétez arbitrairement que cette dignité est une construction évolutive au gré d’un supposé progrès des mentalités totalement indépendant de la nature humaine.

Vous avez aussi engagé une étude sur la fin de vie. Je rappelle les termes de l’engagement  que vous avez pris  dans votre programme : « Je proposerai que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité. »

Nous voilà au cœur de votre message qui, à l’instar d’une variation sur le même thème, instrumentalise une fois de plus le concept de dignité.

Vous avez dans votre entourage des personnes qui sont, d’après les convictions qu’elles affichent, considérées comme « catholiques ».

Vous avez confié à Mme G. Pau-Langevin le pôle de réflexion sur la famille. A propos de l’adoption par des personnes homosexuelles elle s’exprime ainsi, ancrée sur sa « culture catholique » : « J’ai réfléchi non à partir des positions actuelles de l’Église, mais des textes de la Bible. Le Christ est plus ouvert, plus révolutionnaire que ce qui se dit dans certains milieux catholiques. Je vois l’épopée du Christ comme la bataille d’un homme élevé contre les conservatismes. Pour moi les démarches excluantes ne sont pas caractéristiques de la charité chrétienne ».

Parmi les nombreux projets toxiques de votre gouvernement on trouve encore une énième réforme promue par le ministre de l’éducation nationale. Parmi les articles de son credo on peut lire ceci : « « S’appuyer sur la jeunesse pour changer les mentalités. … Libérer les enfants des déterminismes religieux et familiaux. » 

Cette dernière profession de foi a été reprise textuellement par la Garde des sceaux pour défendre son projet de loi sur le mariage entre personnes de même sexe.

Lisant toutes ces profondes réflexions affichées comme un socle de convictions, je ne peux manquer de les rapprocher de vos propres convictions –ou plutôt de l’absence de convictions- qui sont le moteur de votre vie : « Je suis arrivé à un point où ce qui s’impose, c’est plutôt la conviction que Dieu n’existe pas. Je respecte toutes les confessions. La mienne est de ne pas en avoir. La démocratie sera plus forte que les marchés, plus forte que l’argent, plus forte que les croyances, plus forte que la religion. »

Il me semble que vous pourriez faire un effort en évitant de proposer au nouveau pape, comme terrain du dialogue que vous appelez de vos vœux, une région qu’il connaît peut-être bien mais qui n’est sans doute pas le meilleur climat pour dialoguer dans la sérénité : le Cap Horn.

Si telles sont les positions fondamentales que vous adoptez, ce dialogue sera difficile à envisager pour trouver une convergence avec qui que ce soit dans l’Église catholique, dont le pape François a rappelé qu’elle ne saurait être réduite à une « ONG pietosa ».

Tous les médias ont repris mot pour mot la dépêche de l’AFP : «  L’Église n’est qu’une « ONG pietosa » si elle ne professe pas Jésus ». Le terme italien « pietosa » se traduit en français aussi bien par « pitoyable » que « compatissante ». Et personne ne sait pour l’instant ce que le pape argentin, qui a appris l’italien avec sa grand-mère piémontaise, entendait exactement par le terme employé. »

Si vous me permettez un commentaire personnel : avec un peu de sens commun, et même sans être un fin connaisseur de la langue de Dante, il n’est pas trop difficile de comprendre que le pape François veut dire que l’Église n’est pas une institution à but humanitaire, qu’elle doit accepter de suivre « Jésus en portant sa croix ». Ce sont les paroles du Christ que vous pourriez lire dans l’Évangile et il n’y a là aucun mystère. Les deux traductions disent bien ce qu’elles veulent signifier et tous ceux qui par le passé ont cru pouvoir réduire leur action dans l’Église  à du social et rien que du social – notamment les dérives marxistes de la théologie de la libération- font la démonstration des paroles du pape François. Il est heureux que ce pape qui peut s’exprimer sur le sujet sans rougir de ce qu’il a fait, le dise haut et fort.

« Ceux qui cherchent le Christ sans la croix trouveront la croix sans le Christ. »

Et en conclusion vous pouvez vous entourer de toute une galaxie de penseurs prétendument catholiques, vous n’êtes pas crédibles quand vous exercez une volonté qui a valeur de diktat, envers et contre tout, au mépris du respect de la liberté d’opinion qui s’est déjà exprimé, pour imposer coûte que coûte vos décisions qui ne respectent ni la liberté, ni l’égalité et moins encore la dignité humaine.

Croyez, monsieur le Président de la République, en l’assurance de ma haute et respectueuse considération.

Voilà, mon cher cousin, de quoi alimenter les discussions avec ton maître dans la perspective d’une stratégie de combat future.

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2013.03.19



[1] Ils n’ont certes pas accès à certains sacrements et notamment l’Eucharistie, mais ils sont toujours baptisés et il ne leur est pas interdit de se confesser. Quant aux personnes divorcées qui ne vivent pas dans une situation matrimoniale irrégulière et qui restent intérieurement fidèles à leur engagement premier elles peuvent vivre leur foi sans restriction aucune vis-à-vis des sacrements comme tout baptisé.

[2] Trois questions à … Olivier Bobineau – Sociologue des religions, auteur de L’empire des papes, CNRS éditions. Interview du Vendredi 15 mars 2013.

[3]J’ai entendu des réflexions moins délicates disant qu’ils sont tous des « faux derche »… Je n’irais tout de même pas jusque-là … !!

[4] Je rappelle que Fhollandia est ce pays imaginaire dans lequel Charly est envoyé pour faire ses preuves.