Pape François.3

 

 

 

 

 

 

 

Mon cher cousin,

Vous êtes restés curieusement bien silencieux depuis l’élection du pape François. Je ne suis pas trop surpris de ton silence et de celui de ton mentor… Il doit être quelque peu sidéré par les évènements qui se sont déroulés ces derniers jours. Il faut se faire une raison : maintenant que nous voilà entrés dans une nouvelle étape, je suis bien certain que, de votre côté, vous affûtez les flèches et que vous étudiez la cible afin de l’attaquer dans l’angle qui vous semblera le plus vulnérable.

Une chose déjà est certaine, plus rapides que Lucky-Luke qui tire plus vite que son ombre, les médias ont déjà pointé l’artillerie lourde et armé quelques exocets. Dommage pour eux mais leur objectif n’est que l’ombre portée par l’éclairage blafard de leur vision étriquée du monde en général, et de l’Église en particulier, telle qu’elle devrait être selon eux dans le monde qu’ils imaginent. Ils passent à côté de la réalité.

Quant à moi sois certain que l’une des premières visites que j’ai faites après l’élection du nouveau pape François, a été pour ces médias. Je dois bien avouer que c’est passionnant, même si le plus souvent les bras m’en tombent de constater à quel point les vues sont courtes et réductrices dans la plupart des commentaires, quand elles ne sont pas à côté de la plaque.

On pouvait s’attendre à ce que soient lancés les habituels rappels sur les sujets récurrents … « il devra prendre des décisions sur …  le mariage des prêtres et l’ordination d’hommes mariés, l’admission des femmes au sacerdoce ministériel, l’accès des personnes « divorcées–remariées » aux sacrements[1], l’abandon de la position morale de l’Église sur l’avortement… » Un peu comme si, sait-on jamais, le nouveau pape pouvait oublier une chose : « il est d’abord et avant tout le chef de l’Église catholique, le vicaire du Christ. Mais, et s’il s’intéressait en priorité à « ces » questions …  In fine… et s’il pouvait donner une orientation différente à l’Église, être moins catholique ! »

Sans doute n’ai-je pas lu ces formulations écrites mais il n’est pas difficile de les voir pointer derrière des allusions à peine esquissées mais qui en disent déjà long.

A titre d’exemple ces perles tirées d’une interview[2] : « Il faut regarder d’un peu plus près la théologie du cardinal Bergoglio. … Ses positionnements sont plutôt ceux d’un conservateur qui souhaite maintenir l’ordre social moral. … Lorsqu’il était provincial jésuite d’Argentine il n’a pas soutenu la théologie de la libération…. Le problème de l’Église, c’est sa relation à la modernité. …C’est tout le paradoxe d’une institution écartelée entre une autorité de pouvoir et un message d’amour qui s’appuie sur l’Évangile. » 

A lire ces déclarations je me pose sérieusement une question : l’Église peut-elle se faire entendre comme ce qu’elle est par des personnes qui construisent le monde dans leur tête. Avant l’élection les mêmes         « faiseurs de rois » supputaient les chances de tel ou tel et ne manquaient pas de rappeler, à l’occasion, que le centre de gravité de l’Eglise n’était plus en Europe et qu’un pape venu d’un autre continent serait sans doute un signe d’ouverture, une manifestation de reconnaissance d’une réalité. Mais, pour ce qui est de l’Amérique latine, il faut bien avouer que les idées allaient dans une direction moins orthodoxe. C’est là que s’est développée la théologie de la libération ou en tout cas certaines de ses expressions les plus radicales. Un pape venu de ce sous-continent ? … Mais surtout, qui soit en phase avec cette théologie. Au fond, personne n’y croyait vraiment, personne n’imaginait cette audace des cardinaux et il n’a pas fallu bien longtemps pour se rendre compte que le pape François était et n’était pas celui qu’ils attendaient. Il plait dans la simplicité de sa personne et de sa vie. Il plait moins quand il se prononce sur les sujets qui sont dans la norme pour un pape qui est quand même le vicaire du Christ, le chef de l’Eglise catholique.

Mais de tout cela nous aurons l’occasion de reparler en détail, nous ne sommes qu’aux prémices d’un pontificat qui se présente sous un jour passionnant dans une attente sereine et pleine d’espérance.

Les « grands » de ce monde, … ceux qui sont tenus pour tels, se sont crus dans l’obligation de donner leur sentiment. C’est plutôt sympathique de leur part et atteste, pour le moins, qu’à défaut de prendre en compte la vraie signification de cette élection et du choix de l’élu, ils le considèrent comme un des leurs, une personne avec qui il faudra compter.

Je ne vais pas te faire une revue de presse complète de ces pages d’anthologie de haute voltige diplomatique[3], mais je vais quand même te donner un aperçu ce que j’en ai pensé à travers la « lettre ouverte » que, par un intermédiaire de mes protégés que j’ai dans ce pays, j’ai adressée au Président de Fhollandia[4].

François Hollande en St François            Monsieur le Président de la République,                                        

Après avoir pris connaissance du message[5] de bienvenue que vous avez adressé au nouveau pape François, vous me saurez gré de vous faire part de ma reconnaissance pour les vœux chaleureux que vous avez formulés, au nom de tous les citoyens que vous représentez.

Il va sans dire qu’à titre plus personnel, je m’associe tout particulièrement à ces vœux qui répondent point par point à ce qu’un fidèle catholique souhaiterait exprimer lui-même en ces circonstances, s’il avait la possibilité de le faire.

Je note que vous avez souligné la « haute mission » confiée au nouveau pape « à la tête de l’Église  catholique ».

Il est vrai que toute personne appelée aujourd’hui à assumer une charge à la tête d’un État, d’une Institution civile ou religieuse, ne peut éluder la responsabilité qui lui incombe de faire face en son âme et conscience « aux défis du monde contemporain ».

Sans énumérer explicitement quels sont ces défis, la suite de votre message en donne une certaine idée.

Vous rappelez que le pays à la tête duquel les électeurs vous ont porté, est l’héritier d’une histoire et que cette histoire multiséculaire a inscrit dans ses principes les valeurs universelles de « liberté, d’égalité et de fraternité ».  Ces principes, assurez-vous, sont les fondements de l’action que vous entendez développer dans le monde et qu’ils devront être au service du « dialogue » que ce pays a toujours « entretenu avec le Saint-Siège ». Qu’il me soit permis d’ajouter que ces principes ne sont pas seulement écrits au fronton de tous les édifices publics mais qu’ils le sont d’abord dans le cœur de toute personne.

Vous concluez en précisant que ce dialogue doit servir « la paix, la solidarité et la dignité de l’homme »

Vous voudrez me permettre de m’arrêter sur cette dernière expression, remarquable entre toutes, de votre message.

La « dignité humaine » !

Depuis que vous êtes entré en fonction vous avez, comme vous en donne le droit en vertu du suffrage universel, mis en œuvre des actions concrètes en vue de réaliser les objectifs que vous vous étiez fixés et qui constituaient votre programme électoral.

Depuis plusieurs semaines l’Assemblée Nationale débat dans un climat particulièrement tendu, heurté et non dénué d’une certaine violence verbale et psychologique, autour de votre projet de promouvoir par la loi le mariage entre personnes de même sexe qui était l’une de vos propositions phare inscrite dans votre programme.

Pourrez-vous encore prétendre entretenir un dialogue cohérent avec le pape François qui s’est exprimé sans ambiguïté sur le sujet : « Ce qui est en jeu c’est l’identité et la survie de la famille : père, mère et enfants. C’est la vie de tant d’enfants qui seront discriminés d’emblée car ils seront privés du fait de mûrir entre leur père et leur mère, tel que Dieu l’a voulu . Ce qui est en jeu, c’est un rejet frontal de la loi de Dieu, qui plus est gravée en nos cœurs. Ne soyons pas naïfs : il ne s’agit pas d’une simple lutte politique, mais d’une tentative de destruction du plan de Dieu. Il ne s’agit pas d’un simple projet de loi (ce n’est là que l’instrument) mais d’une poussée du père du mensonge qui entend confondre et tromper les enfants de Dieu. » (8 juillet 2010)»

Il ne s’agit pas de mettre en balance deux conceptions distinctes et, selon vous, respectables sous le même rapport, mais de confronter ces mêmes conceptions à la réalité qui est inscrite dans la nature de l’homme. Vous ne pouvez pas prétendre respecter la dignité de l’homme dès lors que vous décrétez arbitrairement que cette dignité est une construction évolutive au gré d’un supposé progrès des mentalités totalement indépendant de la nature humaine.

Vous avez aussi engagé une étude sur la fin de vie. Je rappelle les termes de l’engagement  que vous avez pris  dans votre programme : « Je proposerai que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité. »

Nous voilà au cœur de votre message qui, à l’instar d’une variation sur le même thème, instrumentalise une fois de plus le concept de dignité.

Vous avez dans votre entourage des personnes qui sont, d’après les convictions qu’elles affichent, considérées comme « catholiques ».

Vous avez confié à Mme G. Pau-Langevin le pôle de réflexion sur la famille. A propos de l’adoption par des personnes homosexuelles elle s’exprime ainsi, ancrée sur sa « culture catholique » : « J’ai réfléchi non à partir des positions actuelles de l’Église, mais des textes de la Bible. Le Christ est plus ouvert, plus révolutionnaire que ce qui se dit dans certains milieux catholiques. Je vois l’épopée du Christ comme la bataille d’un homme élevé contre les conservatismes. Pour moi les démarches excluantes ne sont pas caractéristiques de la charité chrétienne ».

Parmi les nombreux projets toxiques de votre gouvernement on trouve encore une énième réforme promue par le ministre de l’éducation nationale. Parmi les articles de son credo on peut lire ceci : « « S’appuyer sur la jeunesse pour changer les mentalités. … Libérer les enfants des déterminismes religieux et familiaux. » 

Cette dernière profession de foi a été reprise textuellement par la Garde des sceaux pour défendre son projet de loi sur le mariage entre personnes de même sexe.

Lisant toutes ces profondes réflexions affichées comme un socle de convictions, je ne peux manquer de les rapprocher de vos propres convictions –ou plutôt de l’absence de convictions- qui sont le moteur de votre vie : « Je suis arrivé à un point où ce qui s’impose, c’est plutôt la conviction que Dieu n’existe pas. Je respecte toutes les confessions. La mienne est de ne pas en avoir. La démocratie sera plus forte que les marchés, plus forte que l’argent, plus forte que les croyances, plus forte que la religion. »

Il me semble que vous pourriez faire un effort en évitant de proposer au nouveau pape, comme terrain du dialogue que vous appelez de vos vœux, une région qu’il connaît peut-être bien mais qui n’est sans doute pas le meilleur climat pour dialoguer dans la sérénité : le Cap Horn.

Si telles sont les positions fondamentales que vous adoptez, ce dialogue sera difficile à envisager pour trouver une convergence avec qui que ce soit dans l’Église catholique, dont le pape François a rappelé qu’elle ne saurait être réduite à une « ONG pietosa ».

Tous les médias ont repris mot pour mot la dépêche de l’AFP : «  L’Église n’est qu’une « ONG pietosa » si elle ne professe pas Jésus ». Le terme italien « pietosa » se traduit en français aussi bien par « pitoyable » que « compatissante ». Et personne ne sait pour l’instant ce que le pape argentin, qui a appris l’italien avec sa grand-mère piémontaise, entendait exactement par le terme employé. »

Si vous me permettez un commentaire personnel : avec un peu de sens commun, et même sans être un fin connaisseur de la langue de Dante, il n’est pas trop difficile de comprendre que le pape François veut dire que l’Église n’est pas une institution à but humanitaire, qu’elle doit accepter de suivre « Jésus en portant sa croix ». Ce sont les paroles du Christ que vous pourriez lire dans l’Évangile et il n’y a là aucun mystère. Les deux traductions disent bien ce qu’elles veulent signifier et tous ceux qui par le passé ont cru pouvoir réduire leur action dans l’Église  à du social et rien que du social – notamment les dérives marxistes de la théologie de la libération- font la démonstration des paroles du pape François. Il est heureux que ce pape qui peut s’exprimer sur le sujet sans rougir de ce qu’il a fait, le dise haut et fort.

« Ceux qui cherchent le Christ sans la croix trouveront la croix sans le Christ. »

Et en conclusion vous pouvez vous entourer de toute une galaxie de penseurs prétendument catholiques, vous n’êtes pas crédibles quand vous exercez une volonté qui a valeur de diktat, envers et contre tout, au mépris du respect de la liberté d’opinion qui s’est déjà exprimé, pour imposer coûte que coûte vos décisions qui ne respectent ni la liberté, ni l’égalité et moins encore la dignité humaine.

Croyez, monsieur le Président de la République, en l’assurance de ma haute et respectueuse considération.

Voilà, mon cher cousin, de quoi alimenter les discussions avec ton maître dans la perspective d’une stratégie de combat future.

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2013.03.19



[1] Ils n’ont certes pas accès à certains sacrements et notamment l’Eucharistie, mais ils sont toujours baptisés et il ne leur est pas interdit de se confesser. Quant aux personnes divorcées qui ne vivent pas dans une situation matrimoniale irrégulière et qui restent intérieurement fidèles à leur engagement premier elles peuvent vivre leur foi sans restriction aucune vis-à-vis des sacrements comme tout baptisé.

[2] Trois questions à … Olivier Bobineau – Sociologue des religions, auteur de L’empire des papes, CNRS éditions. Interview du Vendredi 15 mars 2013.

[3]J’ai entendu des réflexions moins délicates disant qu’ils sont tous des « faux derche »… Je n’irais tout de même pas jusque-là … !!

[4] Je rappelle que Fhollandia est ce pays imaginaire dans lequel Charly est envoyé pour faire ses preuves.

Mon cher Cousin,

Remets-toi !

Habemus papam !

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Merci à l’Esprit-Saint qui a inspiré les cardinaux en leur insufflant l’audace et la confiance.

Les médias ont déjà encadré la personne du pape François dans des balises qui montrent une fois de plus que, quels que soient leurs principes éditoriaux, ce n’est pas tant le successeur de Pierre choisi par le Christ qu’ils attendent mais un homme qui d’une façon ou d’une autre marquerait son empreinte qui corresponde à leur propre vision de l’Eglise et du monde. Ils n’ont sans doute pas les bonnes lunettes pour lire le message que nous envoie son véritable auteur !

Pour ma part je vois trois patrons à ses côtés :

François d’Assise, pour sa personne,

François Xavier, pour sa mission,

François de Sales, pour le soutenir dans sa communication.

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2013.03.14

 

Le Perugin - Remise des clefs à Saint Pierre.2

Mon cher cousin,

L’urgence des évènements me conduit à t’écrire plus tôt que prévu.

Dans la lettre précédente je t’écrivais : « Dans un prochain courrier je te dirai, à l’instar de le belle Solange, quel pape je souhaiterais. »

Et en préambule, pour qu’on ne fasse pas une erreur de lecture avec les mauvaises clefs, cette précision d’importance : je n’ai pas écrit ces mots parce que les derniers papes n’auraient pas été à la hauteur.

Les médias ont pour principal défaut une certaine « perversité intellectuelle » : non seulement ils se moquent complètement de ce que dit ou de ce que pense vraiment le pape, quel qu’il soit, ils tronquent pour mieux l’attaquer les moindres de ses paroles, mais en plus ils revendiquent toute liberté de mentir, sans accorder le droit de réponse, parce qu’ils orientent le monde contemporain dont ils se veulent l’interprète obligé, dans une optique qui ne veut pas accepter la Vérité qu’exprime le vicaire du Christ.

Je te remets en mémoire ce paragraphe qui est une séduisante litanie tirée de l’article signé Solange Bied-Charreton dans Le Monde du 02/03/2013[1].

« Je veux un pape ringard : un pape insupportable, irrécupérable, trop ringard, qui fait honte. Un pape-autorité, pour pouvoir le combattre. Un pape du Moyen Age, voire un pape archaïque. Un pape que je puisse facilement traiter de fasciste quand il dépasse les bornes.

Un pape toutes options, muni de fâcheux dérapages dans le domaine des mœurs, un pape d’erreurs de communication révélant sa vraie nature de pape. Un repoussoir de rêves. Un empêcheur de changer le monde. Et vieux, s’il vous plaît, le plus vieux possible. Un pape qui comprend rien aux jeunes, au monde moderne qui évolue. Un pape « old school », qui tient la porte aux dames, envoie des bouquets de fleurs…

Je veux un pape contre qui se révolter. Je réclame un pape contre qui faire des manifs. Je veux pouvoir casser du pape. Comment j’existerais si je ne puis contester le monde ancien, m’affirmer sans avoir à détruire des siècles et des siècles d’histoire ? Alors j’aimerais autant que l’ennemi soit identifiable, merci d’avance. »

Alors si tu me permets, et en plagiant la forme, je vais te dire comment je me positionne sur le même sujet.

D’abord, pour que les choses soient bien claires et compréhensibles, je ne peux pas faire abstraction d’un contexte : l’auteur a en travers de la gorge un héritage lourd à assumer dont elle ne manque de faire la douloureuse confession en déplorant à demi-mot faire partie « de  la génération Mitterrand, de ceux qui recréent leurs contraintes et s’enfoncent avec elles dans leurs contradictions. »

Elle se définit elle-même : « trentenaire urbaine, j’habite Paris depuis ma naissance. J’ai fait des études supérieures, voyagé aux Etats-Unis, appris à jouer de la guitare. Pris de la drogue, connu des hommes, visité des musées d’art moderne. J’ai su me confronter à des œuvres dérangeantes, d’inspiration tribale, de facture révolutionnaire. »

Cette génération à bout de souffle semble en panne d’inspiration et je ne vois pas encore de successeur en lice, si tant est qu’il soit souhaitable de lui en trouver un.

Dont acte.

Il y a aussi d’autres générations qui sont nées dans ce dernier quart du XX° siècle.

Elles ont choisi un autre modèle : tu as la Génération Jean Paul II, puis la Génération Benoît XVI, toutes les deux sont dans la continuité, sans césure quant aux motivations et aux nobles aspirations … en attendant que se lève la Génération ….

Tu me permettras de m’exprimer en son nom.

Nous voulons un pape…

  • Un pape Fashion : pas au sens habituel du terme, question style vestimentaire, mais un pape qui tient sa place dans le paysage médiatique autrement que comme une icône de magazine people, parce qu’il a des choses vraies et vitales à nous dire sur la foi et sur la morale.
  • Un pape qui sorte des clous de temps en temps : non par souci d’originalité et de ne pas faire comme tout le monde, mais parce qu’il est le représentant institué de celui au sujet duquel il avait été prédit à sa mère qu’il serait « un signe de contradiction ».
  • Un pape hors-piste : non pas parce qu’il déraille ou qu’il dérape, mais parce qu’il a le devoir de ne pas suivre le consensus mou de l’évolution naturelle en pente descendante vertigineuse de la société en manque de repères.
  • Un pape « Rallye-Dakar » : qui n’a pas peur de l’aventure, sans courir l’aventure pour l’épate, parce qu’il sait bien que sa fonction est de marcher en tête, en tenant bien en main la Croix qu’il reçoit en héritage de son maître, comme l’insigne de sa charge et obéissant au mandat de la porter pour le suivre.
  • Un pape version tempête apaisée plutôt que radeau de la Méduse : parce qu’il est à la barre de la barque de Pierre et qu’il a pour mission d’aller au large, malgré les tempêtes.
  • Un pape « Vendée-Globe » : qui ne craint pas d’affronter les 40° rugissants qui se déchaînent chaque fois qu’il prononce une parole qui va à contre-courant du tout-prêt-à-penser dans les domaines tellement sensibles de la foi et de la morale.
  • Un pape qui siffle la fin de la récré : maintenant tout le monde rentre à la maison et plus question de réinventer et de faire des expériences pour voir si ça marche mieux sous prétexte que les méthodes d’avant c’est plus « fashionable ».
  • Pas un pape « pot-de-fleurs-parce-que-c’est-décoratif » : un pape qu’on invite pour les grandes occasions parce que ça fait bien sur la photo dans les archives historiques[2].
  • Pas un pape langue de bois : un pape qui parle haut et fort, qui nous fixe des exigences et des objectifs élevés à la mesure de la mission qui a été celle de l’Eglise de toujours, depuis le premier jour, avec les premiers chrétiens dont beaucoup furent des martyrs, et jusqu’à aujourd’hui.
  • Pas un pape G.O. style Club-Med : qui fait « gouzi-gouzi » pour plaire à tout le monde et ne déplaire à personne.
  • Pas un pape qu’on laisse jouer au pape : parce que c’est une figure incontournable et qu’on peut plus s’en passer même si on ne l’écoute plus.
  • Pas un pape qu’on n’autorise pas à parler des droits de l’homme : parce que la meilleure façon de servir les droits de l’homme c’est d’affirmer et de respecter les droits de Dieu.

Nous voulons un pape qui marche devant nous, un pape qui prie, un pape qui nous ouvre le chemin, un pape qui n’a pas peur d’aller à rebours des modes qui passent, parce que c’est la mission que lui a confiée Jésus-Christ :

15 « Jésus dit à Simon-Pierre : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu plus que ceux-ci ? » Il lui répondit : « Oui, Seigneur, vous savez que je vous aime. » Jésus lui dit : « Pais mes agneaux. »

16 Il lui dit une seconde fois : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Pierre lui répondit :  » Oui, Seigneur, vous savez bien que je vous aime. » Jésus lui dit : « Pais mes agneaux. »

17 Il lui dit pour la troisième fois : « M’aimes-tu ? » et il lui répondit : « Seigneur, vous connaissez toutes choses, vous savez bien que je vous aime. » Jésus lui dit : « Pais mes brebis. » 18 « En vérité, en vérité je te le dis, quand tu étais plus jeune, tu te ceignais toi-même, et tu allais où tu voulais ; mais quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et un autre te ceindra, et te mènera où tu ne voudras pas. »

19 Il dit cela, indiquant par quelle mort Pierre devait glorifier Dieu. [3] »

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2013.03.08

 

 

 


   


[2] A ce propos on se souviendra de l’assistance de nombreuses personnalités à la conférence de Benoît XVI aux Bernardins à l’occasion de sa visite pastorale en France du 12 au 15 septembre 2008 – http://www2.ktotv.com/cms/videos/fiche_video.html?idV=00040852&vl=video_nouveautes

[3] Jean, 21, 15-19

Les toits de Rome.6

Mon cher cousin,

Ton oncle t’a donné un conseil judicieux en te recommandant de t’informer sur ce qui se dit sur le sujet dans les médias.

J’ai moi aussi suivi ce conseil –enfin pour le dire plus vrai, je n’ai pas attendu qu’il le dise !- et je voulais aujourd’hui te donner quelques aperçus de la presse à partir d’une sélection d’articles particulièrement intéressants. Les souris » ont fait beaucoup de kilomètres sur leur petit tapis, depuis l’annonce par Benoît XVI de sa décision de remettre entre les mains de Dieu la charge qu’il avait reçue le 19 avril 2005. Heureusement, ça se tasse un peu, comme il est habituel, l’actualité étant de loin dépassée par la fiction qui est le domaine d’élection de la plupart des journalistes, davantage intéressés par ce qui pourrait être que par ce qui se passe dans la vraie vie.

Alors, en attendant la prochaine poussée d’urticaire qui provoquera un prurit généralisé à l’échelle de la planète, quand la fumée blanche sortira de sa petite cheminée, je te fais la primeur de ma revue de presse, une sélection d’articles emblématiques de l’atmosphère qui entoure l’événement.

Je présume que tu n’auras pas le même regard que moi sur les articles parus dans les médias.

Je limiterai mes commentaires à ceux qui m’ont le plus marqué et, en t’avouant d’entrée de jeu que je ne partage pas vraiment les opinions qui sont émises. Ceux qui ont attiré mon attention sont, à mon sens, un peu « trash » … mais tout compte fait cela ne devrait pas te déplaire que je leur fasse de la publicité à ta place.

Dans la catégorie « Médias » je donne la dent de requin d’or au journal Le Monde, qui pour le coup mériterait bien le titre de « magistère de l’antipapisme primaire ». Mais tu n’es pas sans savoir comme moi que ce journal, qui a la prétention de l’indépendance vis-à-vis de toutes les instances qu’elles soient politique, économique, idéologique et bien entendu religieuse … survit grâce au bon vouloir et aux moyens financiers de quelques lobbies puissants auxquels il se doit de faire allégeance.

Dans la catégorie « Journalistes », j’accorde le croc d’argent à Stéphanie Le Bars[1] pour l’article « Vigueur », en forme d’éditorial dans un Cahier daté du 27.02.2013 sous le titre « l’Eglise après benoît XVI ». J’ai repris les passages marquants, dont certaines citations de Benoît XVI lui-même qu’elle a le bon goût de reprendre. C’est le gage d’une certaine bonne foi.

  « Dans le monde d’aujourd’hui, sujet à de rapides changements et agité par des questions de grande importance pour la vie de la foi, pour gouverner la barque de saint Pierre et annoncer l’Évangile, la vigueur du corps et de l’esprit est aussi nécessaire. » (Benoît XVI, 11 février).

                Il a invité ensuite un prochain pape nécessairement « vigoureux » à mettre fin aux « rivalités et divisions » de l’Eglise catholique.

                (Il a souligné) « l’urgence d’une nouvelle gouvernance, d’autant que les défis qui se présentent – sécularisation, pluralité religieuse, crise des vocations – sont nombreux. Sans parler des difficultés de l’institution à faire partager sa vision de la famille et sa conception de la morale sexuelle.

                Le prochain pontificat, encore plus que celui qui s’achève, sera placé sous le regard d’une opinion publique et de médias toujours plus exigeants en matière de transparence. Cette culture demeure balbutiante dans une Eglise trop souvent prise au piège de ses contradictions entre l’idéal de ses enseignements et les pratiques de certains de ses représentants. …

                De là dépendra aussi la capacité de l’Eglise catholique à se faire entendre sur des thèmes qui dépassent le cercle des seuls croyants comme en témoigne son message sur la doctrine sociale, sur l’accueil de l’étranger, ou ses mises en garde contre un capitalisme sans limites. »

Mon commentaire : tu remarqueras que l’accent est mis sur les éternels poncifs de l’incapacité de l’Eglise et de la hiérarchie –concept insupportable ! – à s’adapter au monde moderne avec lequel elle creuse un abime insondable par sa volonté de ne pas sortir de ses convictions en matière de morale et surtout sexuelle. Comme si l’être humain pouvait se résumer à cet espace anatomique … parce que pour ce qui est la dimension spirituelle de ce même espace … !

Dans la même catégorie, la griffe d’or est attribuée à Solange Bied-Charreton[2].

Je dois avouer que j’ai lu avec un plaisir presque peccamineux cet article plein de verve et d’un humour décapant que j’apprécie par son côté déjanté.

Je vais m’arrêter un peu plus longuement sur cet article parce qu’il est nécessaire de le décortiquer. Il va sans dire que le lire au premier degré lui enlève toute sa saveur… je devrais dire son piquant.

Je ne sais pas à vrai dire, jusqu’à quel degré il faut monter pour le lire et en tirer tout l’enseignement. L’écrivaine (ou l’auteure) [3] écrit « diablement » bien ! J’espère que tu apprécieras le qualificatif. Il est quand même rare dans ma prose, moi qui n’entends pas fréquenter même de loin les parages de ton lieu de détention coutumier, en dehors de tes missions sur le terrain.

J’ai fait pour toi une sélection-florilège de l’article et je te recommande vivement la lecture de l’intégralité dont tu transmettras une copie à ton patron, je pense que ça l’intéressera.

D’abord faisons les présentations : la « ravissante idiote [4]» se définit elle-même ainsi :

« Trentenaire urbaine, j’habite Paris depuis ma naissance. J’ai fait des études supérieures, voyagé aux Etats-Unis, appris à jouer de la guitare. Pris de la drogue, connu des hommes, visité des musées d’art moderne. J’ai su me confronter à des œuvres dérangeantes, d’inspiration tribale, de facture révolutionnaire. »

Je te préviens d’avance, et tu vas peut-être avoir honte pour moi d’avoir aimé cet article qui sent la « provoc » à mort, mais, pour faire « djeuns », quand j’ai lu ça j’étais quand même mdr [5]!!

                « Malgré l’extravagance de son accoutrement, il a bien fallu se rendre à l’évidence : le pape est un homme comme les autres. Il n’est plus adapté. Qu’allons-nous donc devenir sans Benoît XVI, ce repère idéal pour penser autrement, ce monument de ringardise ? Ce pape était tout ce qu’il nous restait, ou presque, d’intolérable. Il était encore pire que le précédent. »

                Tu avoueras que, comme entrée en matière, il y a plus soft ! Au moins cette introduction a le mérite d’afficher la couleur.

Sans faire tout le travail à ta place, je vais te livrer mon analyse en deux volets :

Ce que la signataire nous révèle d’elle-même

Comment elle voit le prochain pape :

« Je rêve d’un monde plus libre, où l’on pourrait faire ce que l’on voudrait, dans le respect des normes de sécurité et de respect mutuel Je n’ai pas vu la société évoluer, je n’ai pas non plus contribué à ce qu’elle évolue. J’aurais bien volontiers manifesté contre la loi instituant le contrat première embauche (CPE) en 2006, mais à ce moment-là je révisais un concours. On m’a laissée très libre. En réalité, on ne m’a rien laissé que des doutes, on ne m’a rien offert que des choix infinis, mais on m’aura tout de même appris à trier mes ordures. C’est la monnaie de ma pièce, le revers peut-être bien. (…) Arnaud Fleurent-Didier l’a très bien traduite dans sa chanson « France-Culture », cette absence de transcendance qui nous colle à la peau, cet évanouissement des fondamentaux, cette perte du sens. Cet impératif du fun qui est notre seul devoir. Ce droit au dialogue permanent qui ne nous contente pas. Il nous faut des romans pour décrire cet après qui déteste l’avant » (dans lesquels) des trentenaires d’aujourd’hui, les bébés bienheureux de la génération Mitterrand, recréent leurs contraintes et s’enfoncent avec elles dans leurs contradictions. »

Il est vraiment intéressant de lire cet aveu, jailli comme un cri du cœur du tréfonds d’une effrayante détresse qui ne veut pas l’avouer, expression de la désespérance d’appartenir à une génération qui n’a reçu que du « savoir vivre libre » sans savoir pourquoi ni dans quel but : « … on m’aura tout de même appris à trier mes ordures ». Les ordures ménagères, certes, mais toutes celles qui s’accumulent dans l’âme (… ça existe ?) et pour lesquelles il n’y a pas de sacs, de benne, de déchetterie … on n’a rien prévu. Alors comme il faut bien les vider quelque part, ces « ordures d’un autre type », on se défoule sur toute sorte de boucs émissaires sur lesquels on les déverse à longueur d’articles.

Le plus tragique est cet autre cri du cœur qui n’ouvre pourtant pas sur l’espérance et qui s’enfonce dans le vide, un vide sidéral.

         Alors un nouveau pape, oui mais « que le nouveau pape soit différent des autres. Nous voudrions d’un pape qui soit à notre image. Nous voudrions d’un pape à la portée de tous. Un pape si possible moins ancré dans le passé. Un pape assez ouvert pour discuter avec nous, par messagerie instantanée. Un pape pour régler tous nos problèmes de couple. Un pape trendy, qui laisserait un peu la théologie de côté. Un pape qui transforme les églises en espaces de prière et les confessionnaux en espaces détente. Un pape qui se la coule douce. Un pape de tolérance, un pape de résistance. Un pape que tu peux appeler quand  t’as pas le moral. Un pape jeune et fort. Un pape grand et beau. Une image positive, c’est mieux pour faire passer le message. Un pape pas toujours habillé pareil. Un pape qui se prend pas la tête. Ou, mieux, un pape vintage, un pape dans son jus. Un pape customisé, en vitrine. Un pape souriant sur une affiche dans ma cuisine, Un pape qui réinvente, un pape qui redécouvre, un pape qui revisite un peu le modèle papal. Un pape en papier peint, ambiance vide-grenier, qu’on achète d’occasion. Le pape est le meilleur ami de l’homme. »  

                 (Drôle quand même !)

Et malgré cette inspiration profonde d’une bouffée d’air un peu plus pur, cette éclaircie en bleu pastel dans un ciel plombé, l’article plonge à nouveau dans la tourmente de l’orage, comme la rechute inexorable, typique du syndrome bipolaire.

                « Un pape insupportable, irrécupérable, trop ringard, qui fait honte. Un pape-autorité, pour pouvoir le combattreUn pape du Moyen Age, voire un pape archaïque. Un pape que je puisse facilement traiter de fasciste quand il dépasse les bornes.

                Un pape toutes options, muni de fâcheux dérapages dans le domaine des mœurs, un pape d’erreurs de communication révélant sa vraie nature de pape. Un repoussoir de rêves. Un empêcheur de changer le monde. Et vieux, s’il vous plaît, le plus vieux possible. Un pape qui comprend rien aux jeunes, au monde moderne qui évolue. Un pape « old school », qui tient la porte aux dames, envoie des bouquets de fleurs…

         Je veux un pape contre qui se révolter. Je réclame un pape contre qui faire des manifs. Je veux pouvoir casser du pape. Comment j’existerais si je ne puis contester le monde ancien, m’affirmer sans avoir à détruire des siècles et des siècles d’histoire ?

                Alors j’aimerais autant que l’ennemi soit identifiable, merci d’avance. »

Enfin ce constat qui donne la mesure de l’incompréhension abyssale de cette même génération saccagée, reconnaît implicitement Solange Bied-Charreton, selon « un modèle libéral, démocratique, (qui) m’a donné un certain dégoût, disons désintérêt, de la religion. Génération imperméable à la simplicité désarmante qui est le trait marquant de Benoît XVI, dont la stature intellectuelle n’a pas d’équivalent en ce siècle débutant (… pour ne pas parler du précédent déjà entré dans les archives de l’histoire).

         « Le pape est resté debout, et on ne sait pourquoi, pour braver le sens de l’Histoire, pour nous prouver que certaines traditions n’ont pas encore été avalées par le présent sans fin. »

         Et d’appeler de ses vœux «  un pape qui ne soit pas d’accord ! Je veux un pape de fight, je veux un pape pour se clasher avec. Un pape qui dit « non merci » quand tu lui proposes un joint, qui refuse de participer à des free parties, crache sur nos jeans skinny et nos afters deep house. Qui rechigne à bouger son corps quand il est invité aux sets des meilleurs DJ de la planète. »

          Cette lecture pour désarmante, voire suffocante qu’elle soit, ne laisse pas aussi d’être édifiante et sous la plume sarcastique pointe, peut-être, un semblant de tendresse (… toute intellectuelle tout de même) qui n’est peut-être pas la vraie charité mais qui me semble témoigner d’un réel intérêt pour la personne. Et surtout mêlée à des flèches un peu empoisonnées on voit affleurer toute la misère d’une génération durablement flétrie par le manque de repères des années où les roses étaient à la mode quand on croyait qu’elles étaient belles, parfumées et sans épine.

Eh bien oui, j’en terminerai par te confier, mon cher cousin, que nous sommes nombreux dans l’Eglise à appeler de nos vœux un pape pas tout-à-fait comme ça ni tout-à-fait comme les autres, qui sache résister sans faiblir à la tête d’une institution vieille de 2000 ans dont il n’existe aucun équivalent dans l’histoire, qui a traversé toutes les évolutions et les révolutions et qui survécu quand on la croyait moribonde même qu’il n’a pas manqué de fines lames pour tenter de l’achever.

Dans un prochain courrier je te dirai, à l’instar de le belle Solange, quel pape je souhaiterais.

A bientôt

                PizziCathoLogo-Année-de-la-foi_francais.3

2013.03.07



[3] … Il paraît que l’orthographe d’aujourd’hui c’est comme ça … Je trouve ça très laid et je ne recommencerai plus.

[4] C’est (aussi) le titre d’un film français réalisé par Édouard Molinaro et sorti en 1964.

[5] Ou … lol ! Si tu préfères !

Le Jugement dernier - SixtineMon cher Charly,

Je t’ai envoyé ta « lettre de mission ».

Je n’ai pas reçu de nouvelles et tu voudras bien confirmer si tu as reçu mon courrier et comment tu l’as reçu.

Depuis quelques jours la situation a bien changé et tu auras sans doute appris que le représentant en titre de l’ennemi a renoncé à l’exercice de la charge qu’il portait, pour des raisons dont il a informé ses pairs et tous ceux qui dépendaient de son autorité.

Cela change et ne change pas substantiellement notre stratégie.

Ce qui ne change pas c’est qu’après un temps de « vacance » un autre prendra sa place.

Ce qui peut changer c’est que ces périodes de transition sont intéressantes pour nous, car nous avons là une belle occasion d’entretenir le trouble dans les esprits. Tu prendras le temps de t’informer de tout ce qui se dit et surtout de qui le dit.

Il est vrai que la situation est tout-à-fait inédite. Comme cela ne s’est jamais vraiment produit jusqu’à présent, la perspective est novatrice et donne libre cours à toutes les interprétations.

Les médias sont prolifiques sur le sujet et toutes les hypothèses ont été dessinées à grand renfort d’imagination, ce qui nous amuse beaucoup ici. Il n’y a pas tant de motif de réjouissance de notre côté que nous trouvions au moins un peu de satisfaction de constater que les choses ne vont pas très bien sur le terrain où tu es chargé de réaliser les exploits que nous attendons de toi !

Laisse-moi te donner quelques pistes pour mettre à profit cette période qui peut en déstabiliser pas mal.

  • Il y a les pessimistes :

« … Pensé avec tristesse à tout le terrain perdu par l’Eglise. Elle ne mourra pas puisque le Christ a dit que les portes de l’enfer ne prévaudraient pas contre elle, mais il est  possible que vienne le jour où la vérité ne sera plus représentée que par quelques millions de catholiques persécutés ayant à leur tête un petit vieillard en soutane blanche qui se cachera dans je ne sais quelle catacombe. Quand le Fils de l’homme reviendra sur  la terre, pensez-vous qu’il trouvera encore la foi ?[1] »

Ceux-là tu peux les oublier, ils sont sans importance. Ils vivent comme des reclus dans un asile spirituel où ils se morfondent en regrets stériles.

  • Il y a les partisans d’un changement radical :

« Il m’a surpris. C’est une des choses positives de son pontificat de dire : « Voilà, je pars… « . C’est un acte de lucidité et de courage. « Bravo, c’est un acte de modernité que sa démission », dit le prélat aux positions souvent considérées comme contestataires au sein du clergé. Sur son pontificat, je suis réservé (…) Je ne pense pas que c’est le pape dont le monde catholique avait besoin. Il a accentué le conservatisme de l’Eglise. Il n’a pas ouvert les portes », a regretté le prélat, citant les questions de bioéthique, de sexualité, les femmes ou encore l’ordination des prêtres.[2]»

« Nous avons besoin d’un pape qui soit davantage un curé qu’un professeur. Un représentant de Jésus capable de dire : « Si quelqu’un vient vers moi, je ne le renverrai pas » (cf. Jean 6, 37[3]) qu’il soit un homosexuel, une prostituée ou un transsexuel. [4]»

Ceux-là tu devras les soigner parce qu’ils servent nos intérêts, mais uniquement par leurs discours. Sinon ils sont plutôt « has been ».

  • Il y a ceux qui n’y connaissent pas grand-chose mais qui ont toujours quelque chose à dire surtout sur les sujets qui sont aux antipodes de leurs intérêts personnels :

Le député de l’Essonne Nathalie Kosciusko-Morizet, y a vu, elle, « Un signe de modernité (…) assez paradoxal de la part d’un pape qui a marqué par une théologie assez traditionnelle ».

« Un avis partagé par l’ancien ministre de l’intérieur Claude Guéant qui a estimé le même jour sur Canal + que cette décision était « une bonne nouvelle » qui montre « la capacité de l’Eglise de se renouveler et d’embrasser une forme de modernité »[5].

Ceux-là aussi tu peux les négliger, ils sont des verts-luisants qui ne brillent que sous l’éclairage de la lumière obscure des médias !

  • Enfin il y a les vrais, les authentiques, les « durs-à-cuire », ceux qui resteront malgré toutes les tempêtes … Hélas avec ceux-là tu risques de perdre ton temps.

J’attends ta réponse et tiens-moi au courant de tes (nos !) affaires.

Ton oncle, le sbire de Shaitân      Le diable - Réduction

2013.03.03        



[1] Julien Green, Journal T III

[2] Mgr J. Gaillot, ancien évêque d’Evreux (1982) Evêque in partibus de Parténia depuis 1995.  http://www.leprogres.fr/france-monde/2012/08/03/mgr-gaillot-eveque-de-partenia-loin-des-micros-et-des-cameras

[3] Le texte officiel dit, et il vaut la peine de compléter la citation pour la placer dans son vrai contexte :

37 « … celui qui vient à moi, je ne le jetterai point dehors.

38. Car je suis descendu du ciel pour faire, non ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé.

39. Or, la volonté de celui qui m’a envoyé, est que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés, mais que je les ressuscite au dernier jour.

40. Car c’est la volonté de mon Père qui m’a envoyé, que quiconque voit le Fils et croit en lui, ait la vie éternelle ; et moi je le ressusciterai au dernier jour. »

[4] Léonardo Boff (Le Monde, 2013.02.28 Cahier « L’Eglise après Benoît XVI »). L. Boff a été l’un des chefs de file de la théologie de la libération dans les années 1970-1980 au Brésil. En 1992, il quitte le sacerdoce.

 Mon cher « cousin »,

Tu ne m’en voudras pas de te considérer comme un cousin éloigné, un de ces lointains parents qui, pour des raisons diverses, ont quitté la famille, brisant tous les liens, mais qui gardent dans leur cœur -même si je ne sais pas bien quels sentiments vivent encore dans ce cœur là- une certaine nostalgie de la famille.

Peut-être est-ce la raison de ton assiduité à vouloir te manifester parmi nos protégés, leur faisant croire qu’il existe un autre monde, bien plus intéressant dont tu es, en quelque sorte, un ambassadeur. Je t’avouerai que je trouve tes lettres de créance un peu douteuses et qu’il faut faire preuve d’une bonne dose de naïveté pour les recevoir mais, ces « êtres stupides », comme vous vous plaisez à les appeler, font trop souvent preuve de légèreté, ce qui les rend pourtant si attachants. Remarque bien qu’il en va de même pour nous, nous ne sommes pas dupes de leur labilité, non sans oublier toutefois que si nous sommes à leurs côtés, c’est précisément parce que, une fois n’est pas coutume, nous sommes bien d’accord sur un point : ils ne peuvent pas s’en sortir tout seuls, que ce soit dans un sens ou dans l’autre.

J’espère donc, que tu ne m’en voudras pas si je prends la liberté de t’écrire pour te faire part de mes commentaires au sujet des lettres que ton oncle, «le sbire de Shaytân », t’a écrites pour  t’encourager dans ton entreprise. Si j’ai bien compris tu es envoyé sur le terrain pour faire tes preuves.

Note bien jusqu’ici que je ne vois pas de raison de renoncer à ma fonction et de te laisser faire sans réagir.

Avant de poursuivre permets-moi de revenir au propos initial qui est le motif de mes courriers. J’ai lu avec l’attention qu’elles méritent, toutes les lettres qui te sont parvenues et dans lesquelles ton oncle, cet « énarque » haut-placé dans la bureaucratie infernale, ton patron direct, t’instruit sur la façon de conduire mon protégé vers le côté obscur de la force comme on l’appelle parfois, pour qualifier ce lieu innommable auquel tu as choisi de vouer tes services, je veux parler de l’enfer. J’ai aussi appris de ton mentor qu’il vaut mieux se la jouer discrète et ne pas employer ce mot, la meilleure tactique pour faire croire qu’il n’existe pas ni non plus, le maître des lieux.

Il est vrai qu’aujourd’hui nombreux sont ceux qui ne croient pas plus au ciel qu’à l’enfer, à Dieu ou au diable. Et pourtant on n’a jamais autant parlé de ces « mondes imaginaires » et de ces « personnages de fiction » que de nos jours. Par curiosité, ouvre un journal, écoute ceux qui s’expriment dans tous les médias … Il ne se passera pas longtemps sans qu’apparaisse, sous une forme ou sous une autre, une référence à nos patrons respectifs, sur  le mode de la variation sur le même thème, où ils sont mis en scène.

Tu me permettras aussi de te faire remarquer un détail, mais qui est d’importance. Ton maître appelle le mien « l’ennemi » avec un mépris certain et une condescendance non moins affichée. Il t’aura, je n’en doute pas, informé de l’origine de ce monde auquel tu appartiens désormais. Mais comme je me méfie de ce qu’il raconte, je préfère te dire la vérité. Il y a bien longtemps, ton patron était un ami de mon Maître et Seigneur, et je tiens à exprimer par ce titre ma vénération et toute mon  affection envers lui. Mais il eut un jour un sérieux différend à propos d’une initiative qu’il avait l’intention de prendre et dont il a informé celui qu’il considérait alors comme le plus fidèle de ses sujets et qu’il avait placé au plus haut dans la hiérarchie de l’armée céleste.

Peut-être te rappelles-tu qu’il a créé tout ce qui existe, même si vous déployez depuis longtemps d’énormes efforts pour forger des idéologies de substitution dont vous voulez remplir la cervelle des « pauvres créatures ». Ainsi, il a eu le projet de couronner sa création par ce qu’il voulait comme son chef-d’œuvre. Il voulait le créer « à son image et à sa ressemblance ». Cette créature était insupportable à ton patron. Elle est celle qu’il affuble des noms les plus méprisables « cette affreuse vermine humaine » « ces animaux à deux pattes » « ces imbéciles » … son imagination sur le sujet est inépuisable. C’est à partir de ce moment que de fidèle serviteur ton maître est devenu l’ennemi de mon Maître qu’il n‘a plus voulu servir.

Laisse-moi te dire une dernière chose : vous semblez ne rien savoir d’un don précieux qu’il nous a donné en héritage celui d’aimer. J’ignore même si tu sais ce que ce simple mot veut dire, mais il donne à toute la vie de l’homme un sens qui vous interdira à tout jamais de le comprendre. C’est bien pourquoi par tous les moyens vous essayez de le pervertir en orientant ses capacités d’aimer dans des directions où il s’enlise. L’une de vos plus cuisantes défaites, qui s’appelait Augustin, le décrit à merveille dans un de ces livres que vous haïssez, La Cité de Dieu [1]: « Deux amours ont fait deux cités : l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, la Cité terrestre, l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi, la Cité céleste. »

Votre moteur est la haine de l’autre à laquelle vous donnez des figures multiformes agrémentées des costumes les plus séduisants, l’égoïsme, la colère, la luxure, l’intempérance… la liste est interminable, et il faut bien reconnaître que vous avez acquis un art consommé pour les travestir et les rendre acceptables : l’égoïsme devient l’affirmation de soi, la colère simule la vertu de force, la luxure emprunte toutes les formes de la variation sur le thème de l’amour, l’intempérance se décline sur le mode du bon goût et du raffinement… En bref vous disposez d’un arsenal très sophistiqué pour tromper les créatures. Il faut bien avouer que vous avez acquis beaucoup de savoir-faire et ils tombent plutôt souvent dans les pièges que vous leur tendez.

Alors je voulais avant de terminer cette première lettre, te confirmer dans ma conviction, au cas où tu imaginerais autre chose, que je ne me laisserai pas faire et que tu me trouveras toujours sur ton chemin, partout où tu seras pour user contre mon protégé du seul pouvoir qui te reste à toi et à tes semblables, la tentation.

            A bientôt, mon cher « cousin ».                                                                                        

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2013.02.28